CHRIS KNIGHT – Almost Daylight

Drifter's Church / Thirty Tigers
Americana
CHRIS KNIGHT - Almost Daylight

Être originaire d’un bled du Kentucky du nom de Slaughter (massacre) ne doit certes pas prédisposer à voir la vie en rose. Fils d’un poseur de pipe-lines, Chris Knight reçut une guitare en plastique pour son troisième noël, et savait déjà jouer à quinze ans une quarantaine de chansons de John Prine sur celle de son grand frère. Il lui aura fallu sept ans pour livrer son neuvième album en plus de deux décennies de carrière, et il en résume la cause par un laconique: “tant que je n’ai rien d’intéressant à déclarer, je la boucle”. Autant dire que le bougre n’aurait eu d’évidence aucun avenir dans la politique. C’est surtout que ce farouche indépendant s’avère en mesure de ruminer une chanson pendant des mois, avant que de l’estimer digne d’être enregistrée. La marque des orfèvres, et le luxe de ceux dont le temps est devenu l’allié. Avec leur Texas drawl et les manifestes sous-prolétaires qu’ils véhiculent, “Crooked Mile” et “The Damn Truth” rappellent le regretté Calvin Russell, tandis que l’introductif “I’m William Callahan” et “I Won’t Look Back” en font autant avec Lynyrd Skynyrd et plus encore, avec un autre chantre des déclassés du Sud, Ken McMahan. C’est justement avec Dan Baird (des Georgia Satellites, et complice notoire de ce dernier) que Chris co-signe “Go On”, ode poignante à la persévérance (“keep your head up and go on”). L’orgue churchy de “Send It On Down” lui confère la touche dylanesque qui sied à cette supplique pour la rédemption, tandis que la plage titulaire en accentue le parallèle, à la manière d’une jam fictive entre le Bobby en question et le gang de feu Ronnie Van Zant. Avec son banjo et sa facture concise, “Trouble Up Ahead” pourrait passer pour un cousin hors-la-loi et parano du “For The Turnstiles” de Neil Young: l’éternelle saga du hobo qui traverse des cités hostiles sous le regard torve des autochtones et des forces de l’ordre, mais prévient tout de même: “don’t mess with me, and I won’t mess with you”. La comparaison avec l’Algonquin de Winnipeg se prolonge avec “Everybody’s Lonely Now”, avant que cet album ne se conclue sur deux reprises hautement confessionnelles: les “Flesh & Blood” de Johnny Cash et “Mexican Home” de John Prine (celui-ci en duo avec ce dernier). Seyant parfaitement l’épitaphe de ce géant récemment disparu, c’est aussi l’occasion pour Chris Knight de rendre un dernier hommage à celui qui lui inspira sa carrière d’auteur-compositeur-interprète. La production de Ray Kennedy et le soutien omniprésent de la guitare de Baird rendent magistralement justice aux neuf nouvelles compos de ce grand humaniste.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, June 17th 2020

Chris Knight – Facebook page HERE

Chris Knight – “Mexican Home” featuring John Prine (Lyric Video): HERE

En prime, la version exclusive de “Mexican Home” par Ezra Furman: ICI