Blues-Rock, Garage |
Voici un peu plus d’un demi-siècle, la surenchère, c’était d’aller enregistrer à Londres ou aux You-Essaie. Nino Ferrer, Polnareff, Gainsbourg et Dick Rivers avaient ainsi leurs habitudes à Soho et Picadilly, tandis que Johnny, Eddy, Sanson (et même les Variations) cultivaient les leurs entre L.A., Nashville et Memphis. Ça se déduisait des frais généraux, et surtout ça épatait le badaud, de retour au bled. Avec l’avènement du home-studio, n’importe quel clampin peut désormais bidouiller son album peinard sans avoir à quitter sa chambre ou son salon, mais de plus en plus de Frenchies s’entêtent néanmoins à pulvériser leur empreinte carbone pour partir enregistrer aux States. Depuis qu’Awek a pris ses aises sur place, ce sont rien moins que Tia Gouttebel (avec son Muddy Gurdy), les Yokatta Brothers et autres Freaky Buds (tous plus ou moins récemment chroniqués ICI, ICI et ICI) qui se sont ainsi piqués d’enjamber le Grand Fossé pour aller s’imprégner de la tambouille locale en matière de blues. Et jusqu’à ces nouveaux venus Bordelais de Charb-On qui s’y mettent aussi à présent… Ah, elle aura beau jeu ensuite, d’appeler à la sobriété énergétique, la Tondelier, va! Et tant qu’ils y sont, c’est quoi, ce nom? Si encore ils étaient Ch’tis ou Lorrains, on comprendrait, mais là?.. À moins qu’il s’agisse d’un hommage subliminal au défunt rédac’ chef de Charlie Hebdo, Charb, parti il y a plus d’une décennie déjà, dans un déferlement de plomb fumant et de connerie fanatique. Pour en avoir le cœur net, trêve de tergiversations, jetons-nous à l’eau, mais précisons juste en préambule que si les cinq titres de ce premier E.P. furent effectivement captés à Austin, en les studios Electric Deluxe Recorders où règne et sévit Adrian Quesada (guitariste et producteur des Black Pumas), leur communiqué de presse nous parvient bardé de références parfois plus saugrenues les unes que les autres (allez donc trouver du Joe Cocker et du funk de NOLA là-dedans, bonne chance…). Gorgée de sustain à mort, la plage d’ouverture, “Thru With You”, évoque un croisement audacieux entre le MC5, les premiers Mike Morgan & The Crawl, Lift To Experience et le Black Rebels Motorcycle Club, tandis que le bilingue “Train” arpente plutôt les travées du ZZ Top de “Rio Grande Mud”, avec son solo de guitare final réminiscent au possible du psychédélisme bluesy et texan dont ce trio de barbudos était initialement issu. Comme chez tout power-trio qui se respecte, la section rythmique abat un boulot monstre (et cela sans bassiste, faudra songer à vous syndiquer, les gars). C’est du côté du Canned Heat de “On The Road Again” et du “Spirit In The Sky” de Norman Greenbaum qu’il faut chercher l’inspiration du boogie-shuffle rampant “Me And My 44”, si ce n’est que l’harmo dans lequel y souffle Vincent Pollet-Villard (par ailleurs en charge du chant et des claviers, ainsi que de la guitare rythmique) y doit autant au regretté Alan Wilson qu’à l’également disparu Lester Butler. Avec son clavier saturé et son riff de six cordes lancinant, l’ombre des Black Keys originels enveloppe ensuite ce “Cherry Rum Boogie” zébré d’un solo de gratte à décorner un troupeau de buffles (et signé Floran Royo), avant que nos nouveaux amis n’expédient pour conclusion un “Loco” complètement francophone, au latino beat languide et à la guitare santanesque. Si l’on en juge par cette carte de visite, nous tenons là un nouveau combo en passe de nous consoler un temps du silence prolongé de Jesus Volt, et c’est déjà beaucoup.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, October 17th 2025
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