CHA WA – My People

Single Lock Records / Modulor
Funk
CHA WA - My People

Dans une récente interview où on lui demandait si ça ne le dérangeait pas trop de vieillir, le modfather Paul Weller répondit en substance que l’âge qu’il accusait lui avait au moins valu la chance de voir Wilko Johnson avec Dr. Feelgood. Excellente pioche, Paulo, et comme nous t’en envions! Pour ma part, la consolation tient à avoir reçu l’onction des légendaires Meters, quand ceux-ci effectuaient la première partie de la tournée des Stones post-Mick Taylor. Car avant les fameux Neville Brothers, les frangins Art et Cyrille y officiaient auprès du monstrueux batteur Joseph “Zigaboo” Modeliste, ainsi que du bassiste George Porter et du guitariste Leo Nocentelli. Plusieurs décennies avant que l’ouragan Katrina n’engloutisse une bonne moitié de la ville, cette joyeuse bande n’avait pas sa pareille pour secouer les popotins à New-Orleans. Dans la grande tradition locale du Mardi-Gras (où défilaient Wild Tchoupitoulas et diverses incarnations de Marie Laveaux), cette forme de fanfares funk, jazz et R&B animait le centre-ville de soubresauts se prolongeant jusqu’en ses ultimes faubourgs. Comme l’a démontré l’excellente série “Tremé”, on n’enterre pas  si facilement le Crescent City spirit, et à présent qu’Art Neville, Eddie Bo, Allen Toussaint, Fats Domino, James Booker, Dave Bartholomew et Professor Longhair ont rejoint la cohorte de ses fantômes trépidants, la relève se nomme Cha Wa. Pratiquant pour langue vernaculaire le second line typique, ces huit musiciens (section de cuivres et claviers inclus), distillent le soul food gumbo le plus épicé qui soit. La plage titulaire et “Wild Man” font en effet aussi peu de quartier que n’en concédait War avec Eric Burdon voici un demi-siècle. Aussi impitoyable qu’un boa constrictor, la basse ondule avec une lascivité consommée, tandis que cuivres et tambours cartonnent de concert, et que les chœurs invoquent le voodoo dans ses acceptions les moins avouables. “Bow Down” rappelle le Little Feat de “Dixie Chicken” et le Robert Palmer de “Sneakin’ Sally Thru The Alley” (avec les mêmes). L’interplay des ivoires avec le punch des cuivres et des percussions ne laisse aucun répit à l’innocent auditeur. Comme le démontre l’infernal “Morning Glory” avec sa touche afro-beat, ces pervers maîtrisent les ultimes secrets du groove, et la danse de Saint-Guy vous gagne à votre corps défendant. Comme ce pauvre Mickey Rourke dans “Angel Heart”, Louis Cypher guette depuis les coulisses en gobant un œuf dur, et sous l’emprise des effluves d’écrevisses bouillis et autres pattes de poulet vous n’êtes plus maître de vous même. En matière de contretemps vicieux, “Uptown” en remontrerait à Maceo Parker en personne (c’est simple, on croirait du Zappa période “Roxy & Elsewhere”), et sur un jungle beat effréné, “Firewater” célèbre les vertus émancipatrices de l’eau-de-feu dont Lucky Luke et autres évangélistes tentèrent en vain de dissuader les peaux-rouges. Outre l’irrépressible “Second Line Girl” (comme son nom l’indique), nos lascars invitent Alvin Youngblood Hart à une reprise transfigurée du “Masters Of War” du barde Zimmerman. Un album pour tester vos voisins : s’ils appellent la police, déménagez au plus vite sans vous retourner. Mais si par contre ils débarquent en se trémoussant comme Baloo avec le rhum arrangé et les verres, couchez les sur votre testament, car vous voilà décidément verni! Big Easy booga-wooga-loo, cet élixir vaut tous les vaccins du monde. Doublement “indispensable”!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 6th 2021

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Album disponible le 2 Avril chez Single Lock Records.
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Cha Wa – My People (OFFICIAL AUDIO):