CEDRIC BURNSIDE – I Be Trying

Single Lock / Modulor
Blues
CEDRIC BURNSIDE - I Be Trying

C’est devenu un lieu commun: depuis près un demi-siècle, les jeunes générations d’Afro-Américains ne s’intéresseraient plus au blues, cet héritage miteux d’une ère où leurs aïeux ployaient encore sous le joug de la ségrégation héritée de l’esclavage… Sous l’égide de Clapton, Led Zep et autres Stones, l’idiome se serait ainsi bâtardisé pour ne plus séduire qu’une horde de blanc-becs, convaincus de toucher là un soupçon de vérité immanente. Sauf que, telle un virus malin tapi dans l’ombre, l’essence du truc originel (cet énigmatique variant d’ADN africain, mêlé à l’électricité précaire qu’exporta l’économie white-trash jusque dans les coins les plus désolés de l’Amérikkke rurale) refuse encore et toujours de se soumettre et de s’éteindre. Regardez autour de vous, et osez donc contredire Malraux: le 21ème siècle est indéniablement blues, sinon quoi? Oubliez les pubs Levi’s et les Jordy de la guitare par le truchement desquels on tente encore de vous en fourguer les dérivés édulcorés: brut comme la terre qui l’a vu naître, et nu comme un os dépiauté au sarcloir, le vieux fantôme du blooze resurgit des miasmes embrumés du Missisippi profond. Et il suffit de tendre l’oreille à cette nouvelle livraison du légataire de RL Burnside et Jr Kimbrough pour piger que, loin de tout cliché de carte postale délavée, on y approche ce Graal que traque tout exégète, bésicles sur le nez et carbone 14 en bandoulière: l’Authentique (pour le “pur”, retournez à vos chères études: cela n’a JAMAIS existé!). Ainsi de ces boogie-stomps primaires, “Step In”, “Get Down” et “Keep On Pushing” (à la slide tétanos et hululante, saturée par Luther Dickinson des North Mississippi All Stars) et “You Really Love Me” (avec Zac Cockrell, bassiste des Alabama Shakes). Si vous en doutiez encore, sautez donc à la plage 9 de cette galette (“What Makes Me Think”). Le spectre haletant de Chester Burnett vous y guette, la lippe frémissante de rage à peine contenue, avec le claudiquement caractéristique et menaçant qui s’impose. Encore une de ces histoires de remords tardif, une fois la cruche brisée, le lait répandu et le mal irrémédiable, dont le blues se fait l’écho et le transmetteur depuis son origine… Quant à “Bird Without A Feather”, ce n’est qu’une transposition (bigrement saisissante) de la geste du grand John Lee Hooker à ses débuts (avant Beverly Hills et les guest stars): une sorte de “Serves Me Right To Suffer” revenu d’entre les macchabées. Le reste, de “The World Can Be So Cold” (succédané de songster façon Mance Lipscomb) à “Love Is The Key” et “Gotta Look Out'” (leur soul agreste en falsetto) ou la plage titulaire (gospel choral), évoque Curtis Mayfield aux champs, voire Keziah Jones (“Pretty Flowers”, “Love You Forever”). Capté aux légendaires Royal Studios de Memphis par Boo (rejeton de Willie Mitchell en personne), le son à la fois brut et rond qui en découle restitue la chair et le muscle d’un musicien au faîte de son art, et totalement en phase avec ses racines.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, May 26th 2021

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Le premier titre acoustique nous fait prêter l’oreille au jeu de guitare exceptionnel du garçon, mais les choses commencent sérieusement avec le deuxième titre, “Step In”, qui nous plonge précisément dans l’univers que nous souhaitions retrouver avec cet artiste. Il faut dire qu’il n’est pas n’importe qui, puisqu’il est l’un des petits fils d’un véritable monument du Blues, RL Burnside, grande figure du blues rural, symbole du label Fat Possum, 1926 – 2005, qui laisse une douzaine d’albums, dont les First Recordings enregistrés à la fin des années 1960 par George Mitchell et réédités par Fat Possum Records en 2003. Il avait eu Mississippi Fred Mc Dowell comme professeur de guitare, excusez du peu! Nous ne dresserons pas l’arbre généalogique de cet immense musicien mais nous rappelerons, par contre, que ses 13 enfants étaient tous musiciens et nous ne parlons pas des petits enfants. Cedric Burnside est donc l’un de ceux-là. Il a commencé sa carrière à 13 ans aux côtés de son illustre grand-père. C’est le neuvième album de l’artiste. Il perpétue une tradition en voie de disparition, le Hill Country Blues. Il est compositeur, guitariste, chanteur et batteur, et il est le rejeton de Calvin Jackson, batteur de Blues. Son opus précédent, Benton County Relic, le premier pour Single Lock Records, a été nominé comme Meilleur Album de Blues traditionnel. Il a été sacré 4 fois Meilleur batteur de l’année aux Blues Music Awards. Il ne lui a fallu que trois jours pour enregistrer l’opus aux Royal Studios de Memphis, Home Studio d’Al Green dans les années 60.
Cedric Burnside nous propose 13 morceaux sur lesquels des invités prestigieux comme Luther Dickinson (Black Crowes, North Mississippi Allstars) ou Zac Cockrell (Alabama Shakes) viennent poser leur patte. Une pépite à posséder impérativement!

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)

PARIS-MOVE, June 27th 2021

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Cedric Burnside – “Step In” (OFFICIAL MUSIC VIDEO):

Cedric Burnside- “We Made It” (OFFICIAL VIDEO):