Cedric BURNSIDE – Benton County Relic

Single Lock / Modulor
Raw Blues

En dépit de sa dimension pittoresque, le blunk, cette prétendue convergence du blues et du punk, n’est sans doute qu’une invention de journaliste (voire d’attaché de presse). En effet, par delà une certaine économie commune de moyens, et le caractère souvent fruste et minimaliste de leur instrumentation, trop de disparités distinguent ces deux courants pour que l’on puisse en supputer la moindre fusion. À commencer par leur environnement social: quoi de commun entre la culture souterraine des squats urbains post-industriels, et celle, bien plus agreste (quoique sans doute aussi démunie), de la cambrousse profonde du sud états-unien ? Et surtout, si le punk prétendit (par conviction ou par défaut) faire fi de tout héritage musical antérieur (hormis les Stooges et quelques autres handicapés notoires), le blues s’est toujours ancré, quelle que fussent ses formes, dans une tradition locale et historique. Enfin, la dimension politique du punk (anarchie, anti-capitalisme, tiers-mondisme, etc.) ne trouve guère d’écho chez les descendants des métayers du Mississippi, qui grandirent dans le semi-apartheid d’anciens États ségrégationnistes. Mais s’il fallait absolument leur trouver quelque point commun, la seule forme de blues qui s’apparenterait tant soit peu au punk réside bien dans le Hill Country mississippien, et la raison en est toute pratique: l’indigence. L’isolement et la pauvreté endémique des populations de cette région y ont en effet favorisé le DIY (do it yourself), et leurs expressions musicales en présentent les évidentes caractéristiques. Les regrettés Jr. Kimbrough, Jesse Mae Hemphill et RL Burnside en furent les éphémères étendards (sur le plan international s’entend), quand les petits futés du label Fat Possum les présentèrent au grand public sous l’emballage vendeur de quasi-néandertaliens mangeurs de racines, grattant comme des plaies mal suturées des guitares branchées sur des générateurs agricoles. Comme toujours avec les plans media, la réalité est (heureusement) plus riche et plus complexe que ces stéréotypes. Alors qu’on le vit tout jeune sur les scènes européennes, accompagnant seul à la batterie un T-Model Ford ne s’embarrassant guère de métrique ni d’harmonie, Cedric BURNSIDE aligne désormais, au seuil de la quarantaine, le CV d’un bluesman accompli. Les fils de Jim Dickinson ne l’adoubèrent-ils pas comme l’un des leurs, au sein des North Mississippi Allstars ? Abandonné par son propre batteur de père (Calvin Jackson) quand ce dernier s’établit aux Pays-Bas pour y poursuivre une carrière européenne, Cedric BURNSIDE fut de fait élevé par son grand père, le grand RL BURNSIDE. C’est cet héritage qu’il entend désormais perpétuer, notamment depuis son fameux “Descendants Of Hill Country” de 2015. À la fois batteur et guitariste (aux jeux aussi déconcertants que typés), ce qu’il délivre s’apparente plus que jamais aux formes les plus rurales et primitives du blues de sa région. Les entêtants “Typical Day”, “We Made It” et les lancinants “Give it To You”, “Death Bell Blues” et “Hard To Stay Cool” possèdent en effet la dimension à la fois envoûtante et cathartique que charrie depuis toujours le blues du Delta. L’amplification électrique n’aboutit qu’à en accentuer le côté abrasif, et il suffit d’écouter fugacement les enfiévrés (et saturés) “I’m Hurtin” et “Ain’t Gonna Take No Mess” (aux faux airs de “Black Betty”) pour saisir ce que les Black Keys et autres Left Lane Cruiser doivent d’évidence à ce registre. Pour vous en faire une idée, il suffit d’imaginer les métriques aléatoires de Lightnin’ Hopkins appliquées à un Fred McDowell branché sur le secteur. En clair, à côté de ceci, le John Lee Hooker des débuts et Hound Dog Taylor sur Sonet, c’est quasiment de la dentelle! Un foutu album de blues aussi crade, poisseux et compulsif que la région et l’hérédité qu’il célèbre.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

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