CASPIAN – On Circles

Triple Crown Records
Post-Rock
CASPIAN - On Circles

Post-rock. Notre époque a-t-elle donc tant besoin de panneaux indicateurs qu’il nous faille à ce point étiqueter chaque sous-genre, comme de pointilleux apothicaires? À ce train-là, on classifiera sans doute bientôt Big Joe Turner et Wynonie Harris dans la catégorie “pré-rock” (et Gershon Kingsley dans le “pré-électro”?). Formé en 2003 dans le Massachussets, Caspian est un sextette instrumental caractérisé par un impressionnant mur de guitares (jusqu’à quatre de front), et des rythmiques aussi puissantes que structurées, nimbées de synthés atmosphériques. Aux plus anciens (dont je suis), ce salmigondis rappellera forcément nombre d’expériences antérieures, un peu comme si le King Crimson de “Red” s’était associé au Cure de “Disintegration” pour faire la nique aux climats oppressants des premiers Killing Joke (cf. le monstrueux “Collapser”). Alternant avec une âpreté parfois extrême climats martiaux et aériens (en un cycle tension-détente classique depuis Mozart et l’avènement du blues électrifié), Caspian reflète surtout le deuil des utopies d’un siècle qui légua à celui que nous habitons davantage d’angoisses et de défis que de perspectives. D’une impressionnante maîtrise et d’une indéniable puissance, leur cinquième effort rend enfin justice au lyrisme époustouflant de leurs prestations live. Le “Wildblood” introductif et le majestueux “Division Blues” sont à cet égard significatifs, tandis que les ascensionnels “Ishmael” et “Flowers Of Light” raviront autant les fans du Yes de “90125” que ceux de Robert Smith. Deux de leurs très rares contributions chantées, “Nostalgist” et le “Circles On Circles” qui conclut l’album sur un répit, proposent des harmonies vocales apaisées sur l’accompagnement éthéré de simples guitares acoustiques. Aussi radicale qu’immersive, une œuvre qui se révèle plus addictive encore à chaque écoute.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 6th 2020