CAROLYN WONDERLAND – Tempting Fate

Alligator / Socadisc
Americana, Blues
CAROLYN WONDERLAND - Tempting Fate

Comme nombre de ses prédécesseurs de nos jours, la dernière signature en date du label au saurien n’était pas née quand le jeune Bruce Iglauer fonda Alligator, depuis sa piaule d’étudiant à l’Université de Chicago. Native de Houston, Carolyn Wonderland (née Bradford) n’en est pourtant pas à son coup d’essai. À la tête des Imperial Monkeys, elle a en effet déjà produit cinq albums entre 1993 et 1997, puis six autres sous son seul nom entre 2001 et 2017. Plus notoirement, c’est elle qui assura trois ans durant la guitare au sein de la dernière mouture en date des BluesBreakers de papy John Mayall, et ses talents de chanteuse et guitariste se complètent de ceux de multi-instrumentiste (elle excelle ainsi à la lap-steel, à la trompette, au piano et à la mandoline). Quand elle fut expulsée de son logement d’Austin, Texas (à l’aube de ce millénaire), elle résolut tout bonnement d’emménager à plein temps dans son van: l’idée s’imposa d’elle-même, puisque la dame passait alors plus de 300 jours par an en tournée! Son album de 2008, “Miss Understood”, fut produit par Ray Benson (leader des country-swingers Asleep At The Wheel), tandis que celui dont nous vous entretenons l’est par le co-leader des Blasters, Dave Alvin (qui avait déjà produit “Diva La Grande” pour Candye Kane voici presque un demi-siècle). Jamais formellement restreinte à un seul genre (tout comme ce dernier), Carolyn Wonderland emprunte autant à la country (pour le beat) qu’au blues (pour la slide et le chant) sur les deux plages d’ouverture (avec pour guest la grande Marcia Ball, au piano sur le facétieux “Texas Girl And Her Boots”). De son passage chez Mayall, elle emporte le co-writing (avec son fidèle bassiste Greg Rzab) du très sudiste “Broken Hearted Blues”, ainsi que la cover du “Laws Must Change” de leur patron (auquel elle assène un terrassant solo de six cordes électriques), avant de confier le piano à Red Young, pour le barrelhouse “Fortunate Few” et le swinging “On My Feet Again”, où elle inscrit son chant dans le sillon de ceux de blues shouteuses telles que Bessie Smith et Victoria Spivey. C’est que la fulgurante guitariste se double d’une authentique soul singer, comme elle le confirme sur le délicat Tex-Mex “Crack In The Wall”, et la non moins zydeco cover du “Honey Bee” de Billy Joe Shaver (présentant tous deux l’accordéon enjoué de Jan Flemming). Elle adapte encore le “It Takes A Lot To Laugh, It Takes A Train To Cry” de Dylan avec la légende de la scène new-country d’Austin, Jimmie Dale Gilmore, avant de conclure sur une longue version du “Loser” des auteur et du compositeur respectifs du Grateful Dead (Robert Hunter et Jerry Garcia). Comme le savent ceux qui la connaissent (ou ont simplement pu l’apprécier sur scène), Carolyn Wonderland n’ancre pas que peu son art dans celui des grandes heures de Haight-Ashbury. Les Deadheads lui en sauront gré, mais gageons bien qu’ils ne seront pas les seuls.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 27th 2021

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Pour le plaisir, deux vidéos:

Open Eyes (Carolyn Wonderland) – John Mayall with Carolyn Wonderland – Live:

Carolyn Wonderland & Bonnie Raitt – Ain’t Nobody’s Fault But Mine – Live: