Blues |
Etre dans la modernité tout en reprenant un répertoire du début du siècle passé n’est pas chose aisée, et pas mal de musiciens peuvent vous le confirmer. C’est ce pari très osé qu’ont tenté depuis le début de leur formation les Carolina Chocolate Drops, un combo américain composé de trois jeunes noirs multi-instrumentistes dont le plus jeune n’a même pas trente ans. Sensibilisés par le fait que les artistes afro-américains ont depuis longtemps délaissé la musique et le répertoire des jug bands et des black string bands des années ‘20 et ’30, ces trois musiciens ont souhaité faire revivre cette musique liée à cette période où, dans le Sud, les enfants des esclaves noirs et les fils des blancs les plus pauvres vivaient dans la même misère. Une misère que les adultes trahissaient à leur manière en chantant et en jouant le blues. Un blues venu du cœur et de l’âme pour chanter l’amour, les femmes, le travail, l’alcool et le diable, le train et cet inaccessible voyage vers le Nord. Un blues que jouaient ces string bands et que les Carolina Chocolate Drops reprennent pour le remettre en pleine lumière.
‘C’est une façon pour nous d’entrer en possession de notre héritage’, nous explique Justin Robinson, un violoniste que sa formation classique ne prédestinait pas à devenir joueur de fiddle (nom donné au violon dans le folk et la country aux States), un instrument qui, comme le banjo, n’est pas du tout un instrument conçu par les blancs américains, comme on le pense habituellement, mais qui doit au moins autant aux violons artisanaux apportés d’Afrique par les esclaves qu’aux crincrins des immigrants irlandais.
Mais ne vous y trompez pas: si les Carolina Chocolate Drops réhabilitent ces racines musicales oubliées, ils ne sont pour autant des traditionnalistes purs et durs. Ouverts à leur siècle, les trois musiciens des Carolina Chocolate Drops composent des chansons à la poésie et à la musicalité modernes, démontrant ainsi qu’ils sont non seulement des défenseurs du patrimoine afro-américain d’hier, mais aussi les artisans de celui d’aujourd’hui et de demain.
Un disque qui fait le lien entre deux siècles de musique blues, un disque trait d’union indispensable pour non seulement écouter, aimer, mais surtout vivre le blues.
Frankie Bluesy Pfeiffer
“Approved by Guy l’Americain” est certes synonyme de très grande qualité mais nous ne nous arrêterons pas à ce seul qualificatif car malgré tout le respect et l’amitié que nous avons pour Guy, il nous faut reconnaître que ce qu’accomplissent la jeune femme et les deux garçons devrait aligner encore plus de substantifs pour qualifier leur travail magistral.
‘Blues Old Time’ et toutes autres définitions volent en éclats lorsque l’on prend le temps d’écouter les fabuleux morceaux que le trio reprend pour notre plus grand plaisir. Ce n’est pas d’une musique à épiloguer qu’il s’agit mais d’une musique à danser, gesticuler, s’ébrouer. Une musique à l’accent particulièrement festif qui fait fi des racines afro-américaines ou irlandaises pour simplement rendre heureux ceux qui l’écoutent. Banjo, violon, guitare, tambourin sont rois au pays de ces nostalgiques d’autres temps ou la musique avait une fonction sociétale différente de celles d’aujourd’hui. Là, il s’agissait de rendre heureux et d’égayer les jours. Et non de s’apitoyer sur plus malheureux que soi!
Et ne nous trompons pas, car le côté apparemment nostalgique et rétro ne souligne pas le caractère révolu de l’entreprise mais, au contraire, insiste sur l’urgence qu’il y a à réhabiliter pleinement ces musiques dans toutes leurs fonctions.
Dominique Boulay
Carolina Chocolate Drops