BUDDY HOLLY – The Indispensable 1955-1959

Frémeaux & Associés / Socadisc
Rock 'n roll
BUDDY HOLLY - The Indispensable 1955-1959

En 1989, New Rose (valeureux label indé français, qui hébergeait alors les Saints, les Cramps, les Dogs, Elliott Murphy, Willie Loco Alexander, Dr. Feelgood, les Inmates et autres recalés similaires du mainstream techno-pop en vigueur) s’enticha d’un projet plus décalé encore: célébrer le trentième anniversaire du décès d’un bigleux, qui n’aurait de toute façon alors pas dépassé les 52 ans s’il avait eu la judicieuse inspiration de céder au mal de l’air, plutôt que de jouer les trompe-la-mort précoces. Lubie de mangeurs de grenouilles, me direz-vous. À l’énumération de la guest-list des laudateurs du disparu, on serait presque tenté d’y souscrire, si seulement ce dernier n’avait entre-temps fait l’objet d’un culte ininterrompu. On recense en effet parmi ses pratiquants quelques suspects notoires, depuis les Beatles (qui enregistrèrent pour première démo “That’ll Be The Day”, mais aussi par la suite “Crying, Waiting, Hoping” et “Words Of Love”) jusqu’aux Real Kids (version tellurique de “Rave On” sur leur album Red Star), en passant par le Blind Faith de Clapton et Winwood (“Well… All Right”), les Stones (“Not Fade Away”), les Groovies (version définitive de “That’ll Be The Day”), Linda Ronstadt et Hot Tuna (“It’s So Easy”), sans parler de Jean Passe (et ses Meilleurs)…
Sous l’égide de l’érudit et pertinent Bruno Blum, cette nouvelle collection (62 titres! – aussi méticuleusement sélectionnés que restaurés) propose de mettre pour une fois le répertoire sacré en perspective, en offrant nombre de reprises inusitées (dont le “Smokey Joe’s Café” que Leiber et Stoller avaient usiné pour les Robins – futurs Coasters -, capté en version domestique at home avec sa future veuve Maria Helena, quelques jours seulement avant le crash). Battant en brêche la doxa abusivement répandue selon laquelle le Buddy en question n’aurait été en définitive qu’un demi-sel, au regard de poids lourds tels que Jerry Lee Lewis, Little Richard et Gégène, le premier de ces trois CDs restitue le dénommé Charles Hardin Holley dans sa pompe (à Dour) rockab’ originelle. De sa version brute de pomme du “Baby Let’s Play House” chipé à Presley aux “Rock Around With Ollie Vee” de Sonny Curtis et “Baby Won’t You Come Out Tonight” de Don Guess, le gommeux texan n’avait au départ guère à envier aux hiccups et déhanchements d’autres prétendants au trône. Certes, le rusé Norman Petty n’allait pas tarder à l’inciter à élargir sa palette, se révélant au passage un arrangeur madré, capable de rivaliser avec Orbison et Cochran dans des registres équivalents. Si l’on devait n’en considérer “Peggy Sue”, “Oh Boy !”, “Maybe Baby”, “Little Baby”, “Rave On” ou “Heartbeat” que pour des inflexions du dogme, je préfère que nous rompions là, plutôt que d’engager une nième Querelle des Bouffons. Le dernier mot en reviendrait de toute façon au défunt: “(You’re So Square) Baby I Don’t Care”. De nos jours, Jonathan Richman (dont les “Rockin’ Shopping Center”, “Abominable Snowman In The Market” et “Dodge Veg-O-Matic” devaient tant à la facture Holly) et Weezer continuent de perpétuer avec une insolente insouciance cette innocence vintage d’un précurseur de génie. Qu’importent les exégèses, Buddy aura toujours 22 ans pour l’éternité, et cette collection présente l’avantage de sortir des sentiers battus pour en témoigner.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, June 9th 2020

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BUDDY HOLLY – The Indispensable 1955-1959: un superbe coffret de 3CDs à retrouver sur le site du label, ICI

BUDDY HOLLY – The Indispensable 1955-1959 et à commander sur le site de la Librairie Sonore, ICI

Quelques titres à écouter:

John Lennon – “Rave On” (Buddy Holly Cover/Acoustic) sur Youtube: ICI

John Fogerty, “Rave on”, sur YouTube: ICI

Weezer – Buddy Holly (Official Music Video), sur Youtube: ICI

Weezer – Island In The Sun (Official Music Video), sur Youtube: ICI