BROKE FUSE + FRIENDS – Why Should I Be Blue?

Autoproduction
Americana, Blues
BROKE FUSE + FRIENDS - Why Should I Be Blue ?

Actif sur la scène musicale canadienne depuis plus de trois décennies, Jay Moonah est surtout connu en tant qu’harmoniciste dans l’arrondissement de Toronto. Il n’en a pas moins participé au fil des ans à des formations locales telles qu’Uncle Seth et The McFlies, et ses compétences (outre celles d’auteur-compositeur-interprète) s’étendent également à la guitare rythmique, ainsi qu’à la basse, aux percussions et à la programmation numérique musicale. Après s’être investi dans l’animation d’une sorte de hootenanny autour de l’ukulele (Scarborough Uke Jam), il s’est finalement décidé à assembler un groupe de musiciens pour véhiculer son propre répertoire de compositions et de reprises (de Willie Dixon et Jimmy Reed à Dylan et Leadbelly), avant d’y renoncer pour se résoudre à la formule du one man band, sous l’ironique appellation Broke Fuse (“fusible fauché”), tout en se produisant parallèlement en duo avec le guitariste Mike McKenna, ainsi qu’au sein de la formation rockabilly The Rockin’ Redcoats (toujours avec ce dernier). Après deux EPs solo (en 2015 et 2017), il envisageait d’enregistrer en collectif un LP/CD début 2020, quand la pandémie COVID-19 vint en contrecarrer les plans. C’est donc à distance, et par les moyens du web, qu’il est tout de même parvenu à ses fins, en y échangeant les fichiers numériques avec une dizaine de musiciens-complices, jusqu’à complétion des huit titres de cette rondelle. On y découvre un songwriter éclectique et non dénué d’humour (le savoureux dialogue amoureux entre chat et souris du fallacieusement romantique “You Know It’s True”). Depuis le “Blow All The Blues Away” introductif (entre le Neil Young de “After The Gold Rush” et le Dylan de “Desire”) et l’ironique plage titulaire et conclusive, Jay Moonah déploie l’éventail de ses talents. Propulsé par le ragtime piano de Matthew Bartram et la lead guitar de Paul Butters, l’enlevé “Rack’em Up” rappelle ainsi avec bonheur le fameux “I Can Help” du regretté Billy Swan, tandis que porté par le violoncelle de Steve McNie et le violon d’Alex Cheung, le hanté “The Night Before” évoque les vignettes tordues du jeune Tom Waits (de même que “Bluffer’s Blues”, avec Frank Horvat aux ivoires). Avec la slide de McKenna, l’envoûtant “Whisky Bottles” en fait autant avec celle du Ry Cooder de “Memo From Turner” et “Let It Bleed”. S’avèrant la seule démonstration ostensible des talents de Jay à l’harmonica, l’impressionnant instrumental “The Runner Duck” n’en confirme pas moins la valeur d’un musicien trop modeste pour demeurer toutefois méconnu. Il ne tient qu’à vous de corriger cette injustice.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, August 8th 2020