Jazz Funk |
À force d’en échantillonner compulsivement la substantifique moelle, le producteur, compositeur et multi-instrumentiste Adrian Younge et son complice Ali Shaheed Muhammad (A Tribe Called Quest) se sont tant imprégnés de l’ADN intime de la soul-jazz des seventies qu’ils parviennent à présent à en restituer un succédané diablement crédible. Leur série Jazz Is Dead convoque ainsi pour chacune de ses sorties un invité différent, parmi leurs héros musicaux respectifs de cette période bénie. Après Roy Ayers, Gary Bartz, Doug Carn, Marcos Valle, Joao Donato et Azymuth (et avant le regretté Tony Allen), c’est à l’immense Brian Jackson qu’échoit à présent cet honneur. Si personne ne méconnaît plus l’héritage que lègue Gil Scott-Heron, le grand public demeure encore insuffisamment averti de l’apport crucial de son ami et mentor, à la fois claviériste, flûtiste, arrangeur et compositeur du volet le plus passionnant (et séminal) de sa carrière. De “The Bottle” à “When You Are Who You Are”, et du fameux “The Revolution Will Not be Televised” aux monumentaux “Pieces Of A Man”, “Winter In America”, “I Think I’ll Call It Morning” et “Small Talk At 125th & Lenox”, la contribution de Jackson à l’œuvre de Scott-Heron demeure en effet fondamentale. Fidèle au concept de la série, Brian donne ici libre cours à son inspiration, au fil d’improvisations instrumentales où, soutenu par le drive des sticks et du kick de Malachi Morehead, ainsi que des guitares et basses de ses deux comparses, il s’exprime avec ampleur et inspiration au Fender Rhodes, à la flûte et au mini-moog. Si les trois premières séquences témoignent de l’évolution de son art vers une modernité radicalement actuelle, des thèmes tels que “Nancy Wilson”, “Baba Ibeji”, “Duality”, “Bain De Minuit” et “Ethiopian Sunshower” restituent l’émotion subtilement funky que dégageaient ses compositions aériennes il y a presque un demi-siècle. Dressant un pont entre le Miles Davis de “Tutu” et le Marvin Gaye de “Trouble Man”, ces plages exhalent la classe faussement indolente d’un authentique groove-master. Dans la veine des mythiques productions Blue Note de l’époque référencée, Jazz Is Dead érige ainsi son oxymore en manifeste: long live jazz!
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, July 6th 2021
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BRIAN JACKSON – Jazz Is Dead 008: album disponible et à commander sur le Bandcamp du label, ICI