| Jazz |
Si vous étiez adolescent à la sortie de Amigos ou de Europa de Santana, en 1976, Healer de Bobby Rozario vous semblera étrangement familier, la même énergie bouillonnante, la même pulsation latine effrénée qui embrasait l’air. Mais ici, une autre dimension s’ajoute à la trame: une touche de jazz fusion, un souffle venu d’Afrique. La musique de Rozario, nourrie par ses racines indiennes et brésiliennes, s’exprime dans un langage de fête perpétuelle, une célébration qui ne s’arrête jamais vraiment. Le résultat évoque ces albums d’avant les années 1980, capables d’engendrer plusieurs succès au *Billboard* semaine après semaine, à une époque où les classements avaient encore une âme, avant que la pop industrielle, gavée de dollars, ne s’impose, tout rythme, sans cœur.
Sur Healer, chaque morceau semble construit avec soin, chaque introduction et chaque finale bénéficient d’un travail d’orfèvre. La production, somptueuse, presque cinématographique, rappelle une époque où la musicalité primait sur les statistiques. Guitariste new-yorkais de troisième génération, Rozario a été initié à la musique classique hindoustanie par ses parents, tout en explorant les sonorités du jazz et du blues. Son jeu flamboyant et singulier transpose les lignes mélodiques des râgas dans un univers rythmique nourri de vocabulaire afro-latin, rock et jazz-fusion. Ses deux albums à ce jour sont de vastes projets collaboratifs réunissant des musiciens et chanteurs venus du monde entier, chacun y apportant sa propre couleur, pour donner naissance à des œuvres lumineuses et d’une beauté sonore saisissante. Healer s’inscrit dans cette même veine: centré sur les thèmes de la guérison et de l’unité, le groupe puise dans la diversité de ses parcours et expériences pour créer des mélodies et des rythmes porteurs d’espoir.
Cet album ne fait pas exception: Healer réunit un nombre impressionnant d’artistes, et aucun ne se contente de faire de la figuration. Il m’a fallu plusieurs écoutes pour en saisir toutes les subtilités, l’entrelacement des percussions et des cuivres, les infimes modulations harmoniques, ces couches rythmiques qui apparaissent et s’effacent comme des couleurs en mouvement. C’est une musique qui se vit autant qu’elle s’écoute.
À une époque où de telles productions éblouissantes sont devenues rares, sauf parfois sur scène, Healer sonne comme une redécouverte. Pour les auditeurs plus âgés, il réveillera sans doute une douce nostalgie, celle d’un temps où la fusion était audacieuse, vibrante, spirituelle. Pour les jeunes générations, ce sera sans doute une révélation: la preuve que ce genre de musique, à la fois dansante et profondément humaine, a encore toute sa place aujourd’hui. Une musique qui invite le corps autant que l’esprit à danser.
Il faut dire que l’héritage familial de Rozario est à l’image de sa musique: sa mère était chanteuse de musique classique et semi-classique indienne; son père, batteur; et son arrière-grand-père, chef de musique dans la marine brésilienne. Un héritage culturel et musical d’une richesse rare, qui converge ici dans une œuvre vibrante et lumineuse, une découverte aussi joyeuse qu’inattendue.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, October 30th 2025
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Musicians :
Bobby Rozario – guitar, vocals, timbales
Keith Fluitt – vocals (1,2,4)
Carlton Jumel Smith – vocals (1,2,4)
John James – vocals (3,8)
Greg Gonzalez – vocals, drums, percussion (2)
Ricky Rodriguez – vocals, bass (2)
Danny Kean – vocals (6), organ, keyboards (3,5,6,7)
Neil Nail Alexander – organ, keyboards (1,2,4,8,9,10)
Edsel Gomez – piano (3,5)
James Genus – bass (1,4,6,10)
Ruben Rodriguez – bass (3,5,8,9)
Aalics Bronson – bass (7)
Nathaniel Townsley – drums (1,4,6,10)
Robby Ameen – drums (3,5,7,8,9)
Joe Romano – trumpet (2,4,8,9)
Jimmy Bosch – trombone (2,4,8,9)
Premik Russel Tubbs – flute (5)
David Mann – tenor sax (10)
Jhair Sala – percussion (1,4,6,10)
Luisito Quintero – percussion (3,5,8,9)
Track Listing :
1 Healer 8:06
2 Jingo 5:57
3 Samba De Vida 7:55
4 Supreme 6:57
5 Paramour 6:28
6 Raise Your Vibration 6:27
7 Spirits 5:48
8 Rhythm 4:55
9 Solitude 6:16
10 Seasons 4:30
All music composed & arranged by Bobby Rozario (ASCAP)
Produced by Bobby Rozario
Recorded by David Kowalski at Teaneck Sound Studios, Teaneck, NJ
Assistant Engineer: Andrew Milea
Recorded on December 1, 2024, March 4, 17 & June 24, 2025
Mixed by David Kowalski at The Singularity, Hackensack, NJ
Mastered by Steven Fallone at Sterling Sound Studios, Edgewater, NJ
Cover Art Design & Illustration by Kate Saba
Photography by Kate Saba
Cover design & layout by John Bishop