BOB BRADSHAW – The Ghost Light

Fluke Records
Americana
BOB BRADSHAW - The Ghost Light

Natif de Cork (port irlandais où grandit un certain Rory) et homonyme du jazzman Tiny Bradshaw, ce Bob là ne présente cependant que peu de rapports avec ceux-ci. D’abord, le sobriquet “tiny” ne correspond guère à sa stature, et le bonhomme n’est pas franchement versé dans le blues-rock non plus. Ensuite, son itinéraire s’avère moins linéaire que ceux des deux précités. Après avoir exercé une dizaine d’années la profession de journaliste et de nouvelliste dans son pays natal, Bob Bradshaw répondit en effet à l’appel du large. Muni d’un simple sac à dos et d’une guitare, il se piqua d’abord de parcourir l’Europe, y subsistant en faisant la manche ou se produisant dans les bars. Finalement titulaire de la précieuse green card qui lui ouvrit la route de l’Atlantique, c’est à New-York qu’il débarqua, avant de s’établir à San Francisco pour y fonder son premier groupe, Resident Aliens. Au départ un simple cover band, cette formation ne tarda pas à élaborer un répertoire original, auquel contribuèrent les talents d’écriture de Bob, ajoutant dès lors à son arc la corde de songwriter. Soucieux de perfectionner cette vocation nouvelle, il finit par s’inscrire à la fameuse Berklee School Of Music de Boston, pour embrasser à sa sortie une prolifique carrière solo. Le titre de son huitième album à ce jour, “Ghost Light” désigne ces lampes-témoins et veilleuses diverses, destinées à maintenir un minimum de visibilité dans la pénombre nocturne des lieux habités (métaphore translucide s’il en est, par ces temps confinés). Tandis que maints reviewers le comparent couramment à Nick Lowe, John Hiatt ou Guy Clark (et bien que ces références peuvent vite se révéler à double tranchant), le “Songs on The Radio” d’ouverture rappelle plutôt Gerry Rafferty, avec ses chœurs, son orgue et la couleur FM de circonstance. Le climat vaporeux (façon “Crazy” et “Walking After Midnight” de Patsy Cline) de “Dream” renoue heureusement avec la steel-guitar sous reverb d’une country mainstream de qualité, et ranime l’espoir d’un disque AOR (pour Americana oriented), que confirme fort à propos “Gone”, avec son fiddle, sa slide et son piano honky-tonk. Et l’on comprend dès lors deux autres intimidantes comparaisons parfois émises à l’égard de Bob Bradshaw. Celle qu’on lui accole parfois avec Randy Newman (en l’occurrence, plutôt celui de son “12 Songs” produit par Jack Nitsche), et avec Elvis Costello aussi (dont le fameux “Almost Blue” semble avoir également orienté le “Blue” ici présent). Si l’on ne craignait de charger la barque, on avancerait aussi quelques similitudes avec le Gene Clark de “No Other” et le Dennis Wilson de “Pacific Ocean Blue” (“Come Back Baby” et “She’s Gone For Good”), mais on s’en voudrait de lui porter le mauvais œil. Quand il se décide à embrayer un vieux rock de bon aloi (comme sur “21st Century Blues” et “Light Of The Moon”), c’est pour y faire tanguer un riff saignant façon Creedence sur des vocals évoquant Mark Knopfler. “Sideways” renoue bien vite avec une americana sardonique, entre le J.J. Cale de “Shangaid” et CW Stoneking. Comme l’indique son titre, “In The Dark” n’inspire pas la plus franche hilarité, tandis que l’appalachien “Niagara Barrel Ride Blues” rappellera aux plus avertis les périls du roller-coaster, pour peu que l’on se risque à l’adopter pour mode de vie. Bref, nos lecteurs auront saisi en quelles eaux fraye cet auteur-compositeur-interprète qui, à défaut d’avoir inventé la poudre, se montre en tout point capable de la faire parler sur commande. C’est devenu suffisamment rare de nos jours pour être dûment signalé.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 2nd 2021