BLUE TIME SHAKERS – LIVE

Autoprod.
Blues

A notre époque où plus personne ne s’étonne, où la jeunesse considère que le Blues est une musique de vieux, où pas mal d’anciens, souvent blasés, disent qu’il n’y a quasiment plus rien à inventer dans cette musique car les légendes sont déjà passées par là… pour ma part, depuis pas mal d’années, je balance entre deux âges, et toujours j’écoute la parole des sages!
Comme le disait si bien le grand Magic Slim, “Je voudrais juste dire que j’aimerais que tous les musiciens laissent aux jeunes musiciens quelque chose à continuer, en jouant le blues, parce que, voyez-vous, le blues ne mourra jamais, mais quelqu’un doit le perpétuer… et comme tous les vieux musiciens, je ne serai pas toujours là. J’aimerais voir beaucoup de jeunes musiciens jouer sur scène, comme je l’ai fait aujourd’hui…”
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Aujourd’hui, au tout début des années 50 du siècle dernier, je suis dans la banlieue de Chicago, dans un de ces clubs de quartiers que l’on dit mal famés mais qui sont chaleureux et vrais, venu assister au concert du groupe présent ce soir. Il s’agit de Blue Time Shakers. Je suis accueilli par la patronne du lieu, une belle Mama à la peau d’ébène dont les rides sur son visage en disent long sur son vécu. Elle m’offre un verre de whisky en signe de bienvenue, me rassurant en me disant que ce n’est pas de l’alcool frelaté, car depuis peu Al Capone n’est plus de ce monde et une grande majorité des mafieux et trafiquants dort désormais à l’ombre des barreaux. Tout en sirotant mon whisky, je bois ses paroles: “Le Blues rural a bercé ma jeunesse, me dit-elle avec un trémolo d’émotion dans la voix, mais je me réjouis, car aujourd’hui le Blues a évolué, il a fait place a un Blues plus électrique, accompagné de nouveaux instruments. Et le Blues vivra encore!”
Juste avant le concert, elle me présente les musiciens de Blue Time Shakers: Gaby Ghesquière au chant et saxophone, Alban De Smet à la guitare, Anthony Masson à l’harmonica, Fabrice Castelain au piano, Jean-Marc Caron à la basse et contrebasse, et Patrick Dallongeville à la batterie. Elle m’annonce en ces termes que “c’est un des meilleurs groupes actuels, une référence de notre Blues urbain, et je suis fière de les accueillir chez moi!”.
J’acquiesce avec un sourire, mais comment lui dire… Non, je ne peux rien lui dire. Je ne peux pas lui avouer qu’ailleurs, dans un autre monde, depuis quelques jours, j’écoute en boucle l’album de Blue Time Shakers, et ce, grâce à une petite rondelle d’une douzaine de centimètres placée dans une platine laser.
Trois des musiciens présents ce soir, Gaby Ghesquière, Anthony Masson et Patrick Dallongeville, durant deux décennies au sein du groupe Sugar Mama, joueront leur Blues, feront vibrer le public, mais ce sera ailleurs, dans un autre pays, la France, et dans un autre siècle, le 21ème, celui où Blue Time Shakers jouera et partagera l’affiche avec deux groupes américains, Nikki Hill et Vanilla Fudge, au Blues Festival de Suwalki en Pologne en 2014 devant 3.500 spectateurs, entre autres.
Je ne peux donc rien te dire, belle Mama, je garde mes secrets du futur pour moi, car tu pourrais penser que je me moque de toi, ce qui n’est pas le cas, et tu pourrais également me prendre pour un “illuminé”, et sûrement aurais-tu raison, dans ce contexte.
Alors vivons l’instant présent, vivons ce concert, laissons planer les volutes de fumées au dessus de nos têtes, car à chaque instant nous pourrions voir entrer dans la salle certains de ces grands bluesmen dont de nombreuses photos dédicacées tapissent les murs. Blue Time Shakers reprend quelques titres de ces artistes cotoyés en toute complicité, tels ‘I Got to Go’ de Little Walter, ‘I’m a King Bee’ de Slim Harpo, ‘Crawling King Snake’ de Big Joe Williams, et il rend un poignant hommage à Sonny Boy Williamson, assassiné tout récemment, en juin 1948, avec ce titre ‘Tell me Mama’ superbement interprété, un Blues lent qui collera la larme à l’œil à tout le public.
Les compositions du groupent s’enchainent, comme ce swinguant ‘Feel no Shame’, ce pétillant ‘No Gasoline’, ces langoureux ‘Roll me Down’ et ‘Dirty Train’. Blue Time Shakers distille son Blues: ‘Hold on Baby’, ‘Shake Baby Shake’. C’est du pur jus puisé au plus profond des racines de cette musique. La voix colle au Blues et converse avec les instruments. Sans fioritures superflues, la guitare se la joue fine et racée, l’harmonica ennoblit et enivre, le saxo parle la langue des bas fonds, les touches du piano enchantent de leurs envolées, tout comme à chaque instant le groove nous submerge de ses rondeurs de basse et contrebasse, et de sa frappe nuancée aux baguettes. Voila de quoi faire bouger tout le public, le faire danser, car ici, avec tous ces groupes dont Blue Time Shakers fait partie, entre émotion et frissons à fleur de peau, la sudation sous les aisselles, nous vivons le Blues au quotidien, le Blues authentique si proche de ses origines. Sous les applaudissements, nous en redemandons. Généreux, le groupe nous en redonne avec ces deux compositions, ‘Devil is a Gambler’ et ‘Hucklebuck Jelly’, calibrées, jouissives et bien roots, comme toutes celles de l’opus.
Amis lecteurs de Paris-Move, je reviens vers vous juste un instant, car il faut impérativement vous procurer cet album de Blue Time Shakers enregistré ‘live’ et tout dernièrement sorti (*). C’est un incontournable du Blues, car l’âme de cette musique est présente sur tous les titres!
Quant à moi, je reste où je suis actuellement, et ce jusqu’au lever du jour, et peut-être bien plus longtemps, car avec la belle Mama et tous ces gens, ces passionnés qui l’entourent, je vais encore en apprendre beaucoup sur cette musique qu’est le Blues. Si vous êtes assidus et bien sages, je vous raconterai…
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Alain AJ-Blues
Rédacteur en chef-adjoint
PARIS-MOVE
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(*) Voici le lien, la page Facebook du groupe, pour commander cet excellent album:  ICI

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Heureux les bougres qui ont assisté à la prestation Live des Blue Time Shakers que restitue cette galette! Tous les ingrédients sont en effet réunis pour que cela pète bien fort dans nos ouïes grandes ouvertes: quelques cuivres, un harmo et une rythmique implacable. La formation nordiste joue le Blues comme les meilleurs des maîtres du genre. Pourquoi aller si loin, dans le Delta du Mississippi ou à Chicago, puisque cela joue à l’identique à nos portes…? On va trop souvent chercher le bonheur très loin alors qu’il est là, à notre porte… Au programme de cet album des BLUE TIME SHAKERS, 12 titres bourrés de blues, boogie, et beaucoup de Swing. Tous les éléments sont réunis pour que la fête soit complète! Cela fait presque 25 ans que les garçons se connaissent et ce n’est que depuis 2011 qu’ils sévissent sous ce sigle, BTS, qui n’a rien à voir avec le Brevet de Technicien Supérieur cher à l’Education Nationale. Encore qu’en matière de compétences et de professionnalisme ils en soient déjà au niveau supérieur, nos titulaires du BTS! Jean Gabriel Chesquière au chant, Anthony Masson à l’harmonica, Alban Desmet à la guitare, Patrick Dallongeville à la batterie, Jean Marc Caron à la basse et Bruno Duyé au piano jouent leurs propres compositions et interprètent également des morceaux des plus grands maîtres du genre. Je le disais: on va trop souvent chercher le bonheur très loin alors qu’il est là, à notre porte…!
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Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)