BLUE MOON MARQUEE – Scream, Holler & Howl

Blue Moon Marquee Music
Swing Blues
BLUE MOON MARQUEE - Scream, Holler & Howl

Couple à la scène comme à la ville, le guitariste et chanteur A.W. Cardinal et la contrebassiste, chanteuse et percussionniste aux pieds agiles Jasmine “Jass” Colette ont déjà commis trois autres LPs autoproduits depuis 2013 (et un E.P. aussi). Originaires d’Alberta, en Colombie Britannique canadienne, ils résident sur une petite île au large de la Mer Salish, et cette localisation reflète le caractère insulaire que revêt souvent leur musique. Bien que se produisant majoritairement en duo, c’est avec un full band (et sous les houlettes respectives de Duke Robillard et Erik Nielsen en personne) qu’ils délivrent leur plus ambitieux effort à ce jour. Sans se revendiquer revivaliste pour autant, notre tandem n’en arrime pas moins fièrement son inspiration parmi les années 20 et 40 du siècle dernier. La plage titulaire et “Thick As Thieves” se réfèrent ainsi autant à Mose Allison, Otis Rush et Ben Sidran (notamment grâce à l’orgue de Darcy Phillips et aux cuivres délicats de Jerry Cook et Bonnie Nothgraves) qu’aux débuts envapés de Tom Waits (au timbre duquel s’apparente indéniablement celui de Cardinal), tandis que “Thunderbird” lorgne vers le swing blues de T-Bone Walker, en y associant une touche prononcée de Chester Burnett. La relation avec l’art déclamatoire de ce dernier (ainsi qu’avec ceux de Lightnin’ Slim et Slim Harpo) se confirme au fil des lancinants “Hound Dog On A Chain” (que module Jasmine avec conviction) et “Red Dust Rising” (qu’éructe Cardinal sans ménagement). La formation remonte le temps jusqu’à ces vintage jazz singers de l’époque de la Prohibition, avec des rengaines telles que “Lowlands” (entre Moriarty, Leon Redbone et CW Stoneking, solo de cornet à l’appui) et “Come On Down” (mambo lascif sur fond d’orgue sinueux). Sans surprise, les deux seules reprises de cet album (“Long Black Train” et “Another Night To Cry”) proviennent du répertoire de Lonnie Johnson, et entre le western swing de Bob Wills & His Texas Playboys et celui de Milton Brown, l’imparable “My Wild Rose” offre aux guitares de Cardinal et Paul Pigat l’occasion de duettiser à l’unisson, tandis que le swing manouche de “Medicine Man” démontre leur maîtrise de la geste du grand Django. Si elles correspondent certes à son contenu (dont Disney aurait pu sans rougir faire le soundtrack de ses “Aristocats”), que les nuances sépia de cet album ne vous méprennent pourtant pas: ceci exhale bien davantage de vivaces flux corporels que d’effluves de naphtaline.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, July 22nd 2022

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