BIRÉLI LAGRÈNE – Solo Suites

PeeWee!
Jazz
BIRÉLI LAGRÈNE - Solo Suites

On pourra ergoter tant qu’on voudra, mais il n’est rien de plus difficile à décrire en mots que la musique, dès lors que son écoute s’impose comme une évidence. Comme l’édicta un jour Frank Zappa: “écrire sur la musique? Et pourquoi pas danser l’architecture, tant qu’on y est?”… Au bout de plus de quarante ans de carrière, l’ex-jeune prodige du jazz manouche (qui subjugua à ses tout débuts jusqu’à Stéphane Grappelli en personne, pour en faire ensuite de même avec des pointures telles que Jaco Pastorius, Didier Lockwood, Miroslav Vitous, Larry Coryell et Al Di Meola) s’accorde une parenthèse intime avec cet album à 99% instrumental, au fil duquel il laisse libre cours à son inspiration en solitaire. Concédons le d’emblée, c’est un éblouissement. Non affranchi de l’héritage tzigane de Django, il le transcende cependant pour en projeter l’essence vers ce siècle même. Biréli pulvérise ici les codes et les étiquettes, revisitant, avec le mélange de respect et d’irrévérence qui distingue les authentiques improvisateurs des shredders ordinaires, des standards tels que le “Caravan” d’Ellington ou “My Foolish Heart”, parmi une douzaine d’originaux de sa patte. Sans épate ni démonstration superfétatoire, Lagrène s’inscrit ici au firmament des plus grands solistes de la guitare, aux côtés de Segovia et McLaughlin, en passant par Wes Montgomery, Baden Powell et Tal Farlow. Comme pour ces calligraphes et peintres japonais qui dédient leur existence à parvenir un jour à esquisser l’essence d’une fleur par la seule fulgurance du geste, ce disque est un monument d’émotion pure. Et une évidence en soi.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 19th 2022