BILLY VALENTINE & THE UNIVERSAL TRUTH – Flying Dutchman

Acid Jazz Records / Integral - Pias
Jazz, Soul
Billy Valentine and The Universal Truth

Comme souvent en matière de musique, cet album est avant tout une affaire de famille. À commencer par celle de Bob Thiele Jr, qui y relance le label fondé par son homonyme de père (légendaire producteur pour la maison Impulse! dans les sixties, et co-auteur du mythique “What A Wonderful World” dont Louis Armstrong et Joey Ramone firent l’hymne que l’on sait). Mais aussi pour son auteur, William Valentine, dont l’unique hit recensé sous son patronyme fut le fruit d’une collaboration avec ses frangins John et Stewart. Paru en 1982, “Money’s Too Tight (To Mention)” par les Valentine Bros devait en effet connaître le succès planétaire dans la version qu’en rendit le groupe blue eyed soul écossais Simply Red. Par la suite, William (dit Billy) entama une carrière plus secure et confidentielle, en tant qu’auteur et chanteur de démos sous la houlette du rejeton Thiele, œuvrant notamment sur des scores de films et séries télé produits à Hollywood (de “The Five Heartbeats” à “Boston Legal” et “Sons Of Anarchy”). C’est la permanence des injustices liées à la discrimination raciale aux États-Unis qui poussa Thiele Jr et Billy à enregistrer ce disque, dédié avec une ferme intensité au mouvement Black Lives Matter. Qu’il s’agisse de ses covers finement sélectionnées ou de leurs auteurs (de Curtis Mayfield à Gil Scott Heron, en passant par Prince, Stevie Wonder, War, Leonard Caston, Leon Thomas et Pharoah Sanders), la thématique persiste: “The World Is A Ghetto”, “My People… Hold On”, faut-il vous faire un dessin? Sur le plan de leur exécution (!), outre le timbre miraculeusement préservé de Billy, ses sidemen proposent un casting de rêve:  on y reconnaît en effet le bassiste Pino Palladino (bien plus inspiré ici qu’auprès des Who), le pianiste émérite Larry Goldings, les saxophonistes Claire Daly et Immanuel Wilkins, le vibraphoniste Joel Ross, le guitariste Jeff Walker ainsi que les batteurs James Gadsen et Abe Rounds (tous habitués aguerris des studios californiens). À l’arrivée, cette dream team livre un album de haute tenue, au croisement bienvenu entre jazz et soul intemporels. Dès le “We The People Who Are Darker Than Blue” de Mayfield (où le sax alto de Wilkins prend des accents coltraniens, et les ivoires de Goldings ceux d’un McCoy Tyner) et le “Home Is Where The Hatred Is” de Scott Heron (où le Fender Rhodes du même Goldings évoque celui du Ray Manzarek de “Riders On The Storm”, sur des arrangements de cordes signés Rob Moose), la magie opère à plein régime. Sur “My People… Hold On”, la scansion des chœurs confère au chant de Valentine une ferveur similaire à celle du regretté Marvin Gaye sur “What’s Going On”, tandis que les six cordes de Parker y font preuve d’un lyrisme exacerbé. Le “You Haven’t Done Nothing” de Stevie Wonder bénéficie pour sa part d’un traitement lounge en accentuant encore le swing intrinsèque, par la grâce d’un trio au sein duquel Goldings confirme toute sa maîtrise. La contrebasse de Linda May Han Oh sous-tend avec aplomb le “The Creator Has A Master Plan” de Pharoah Sanders, au cours duquel le sax baryton de Claire Daly s’octroie un monstrueux chorus. Avec la trompette du grand Theo Crocker, le “Sign Of The Times” de Prince bénéficie quant à lui d’un arrangement fusion dont son auteur se serait sans doute délecté. Les standards “Wade In The Water” et “The World Is A Ghetto” de War présentent tous deux, outre une rythmique à fragiliser maints cols du fémur, des soli d’un Goldings et d’un Parker au sommet de leur art. A spiritual jazz & soul classic, indeed!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 17th 2023

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