BILLY BROOKS – Windows Of The Mind

Wewantsounds / Modulor
Jazz Funk
BILLY BROOKS - Windows Of The Mind

Seul et unique album solo du trompettiste Billy Brooks (de son véritable état civil Julius E. Brooks), cette réédition tombe à point pour le porte-monnaie des collectionneurs désargentés, puisque l’original US de 1974 (le fameux vinyle référence CR 9003 dont notre rédacteur en chef a le plaisir d’en posséder un exemplaire, acheté à sa sortie… il y a 46 ans…) atteint de nos jours des côtes mirifiques sur ce marché de grands pervers congénitaux. Natif de Mobile, Alabama, en 1926, le jeune Julius eut la chance d’avoir pour mère une sainte femme, qui se saigna aux quatre veines pour l’envoyer à la Julliard School Of Music de New-York. En sorti dûment diplomé, il rentra à Cincinatti dans le giron maternel, pour y fonder son propre bebop big band, avant de partir tenter sa chance à Los Angeles. Bien lui en prit: après avoir tourné et enregistré avec la Ike & Tina Turner Revue, il figura sur quelques albums des Four Tops et des Temptations, avant d’être successivement repéré par des piétons comme Dizzy Gillespie, Thad Jones et Ray Charles (lequel s’avérait peut-être aveugle, mais manifestement pas sourd). C’est ce dernier qui l’incita à enregistrer cette perle instrumentale sur son propre label, l’éphémère Crossover Records, produisant le lot au passage. La marque distinctive du Genius transpire d’évidence sur des titres tels que ces “Cooling It”, “The Jagged Edge”, “Good News Blues” et “C.P. Time”, bien dans la veine du Ray Charles Orchestra quand le patron chargeait ce dernier de meubler l’attente de son public sur scène, tandis que “The Speech Maker”, “Shelter Cheeze” et “Black Flag” (avec sa flûte façon Herbie Mann, sans le moindre rapport avec le groupe d’Henry Rollins, couché Hardcore, mon pitbull) n’auraient pas déparé certains génériques de séries TV d’époque, genre Mannix. La pièce de résistance réside dans ce “Fourty Days” digne des Crusaders d’alors, qui conclut la rondelle en apothéose. Samplé en 1990 par A Tribe Called Quest (sous le titre “Luck Of Lucien”), ce manifeste funk portait en germe les carrières respectives de Maceo Parker et Fred Wesley. Outre son urgence funk urbaine, il faut y souligner les jeux alertes des fougueux guitaristes Jeff Lee et Calvin Keys, émules légitimes du précurseur Grant Green. À la tête d’un tel gang de tueurs à sang chaud, le regretté Billy Brooks (décédé à Amsterdam le soir du réveillon de Noël 2002, quatre ans pile avant James Brown) lègue ainsi une grenade à fragmentation qui n’en finit plus d’exploser.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, July 23rd 2020