BIG PACIFIC – Welcome To The Party

Autoproduction
Southern rock
BIG PACIFIC - Welcome To The Party

Qu’est-ce qu’on obtient si l’on greffe la section rythmique de Creedence sur des riffs stoniens, et qu’on saupoudre le tout d’une slide à la Skynyrd? À l’écoute de la plage titulaire qui introduit cette rondelle, la réponse fuse, évidente: un dragster! Abolissant les époques, Big Pacific combine ainsi le meilleur de six décennies de rock amerloque (du J. Geils Band à Steppenwolf et des Doobies à Bachman-Turner-Overdrive) pour usiner le juke-box idéal. Une synthèse, comme l’aurait décrit à bon escient le regretté Michel Audiard. Que leur “Bad Girl” ne s’avère au demeurant qu’un pastiche revendiqué du “I Thank You” de Hayes et Porter ne revêt dès lors qu’une importance relative. Reprenant les choses là où les Georgia Satellites les avaient laissées, Big Pacific est un quarteron de vétérans blanchis sous le harnais de décennies au service du rockin’ blues, et en dépit du sel qui prend irrémédiablement le dessus sur le poivre parmi leur pilosité, leur savoir-faire ne trahit ici nulle prémisse arthritique. Capable d’asséner de ces licks communes à Tom Johnston, Gary Rossington et Glen Buxton (défunt lead guitar de l’Alice Cooper Band originel), leur guitariste et principal compositeur, Roly Sandoval, perpétue la geste immémorielle qui secoue depuis des lustres les popotins dans les dance-halls depuis la Georgie et l’Alabama jusqu’au Michigan et en Alberta, chaque vendredi et samedi soir que Dieu (et ce qu’il subsiste d’usines et d’aciéries) font encore. Et quand ses trois comparses se liguent pour mitonner un “Here On The East Side” digne de Guess Who (ces rockers mormons à gros culs coupables du hit “American Woman”, auquel leur roué “California Girl” semble ici faire écho à un demi-siècle de distance), on réalise la connection pourtant patente d’entrée de jeu: faut être Canadien, pour pratiquer ça de nos jours. S’ils parsèment leur set-list de quelques “Hard Road”, “As We Go” et “Here’s To Yesterday” (manifestes s’il en fut), histoire que les tourtereaux puissent brandir leurs briquets tout en sirotant leur Bud, il ne s’agit que d’une ruse pour rebondir de plus belle, après avoir dûment démontré leur savoir-faire mélodique et leurs harmonies vocales. John Cougar Mellencamp, Bob Seger et Tom Petty en personne auraient adoubé ce “Run To The Night” qui leur doit tant, tandis que le swing-boogie “Blue Moon Blues” empeste à mort son “I Know A Little” de Lynyrd Skynyrd (avec sa twin-attack de piano et d’orgue sur une rythmique débridée). Si ces types ne prétendent pas avoir inventé le fil à couper le beurre, ils s’y entendent indéniablement pour le manier avec la dextérité, l’enthousiasme et la sincérité de leur âge. Ca faisait un bail qu’on n’avait pas employé le terme dinosaures sous un angle valorisant: un rock artisanal à l’ancienne, qui n’en néglige pas pour autant les fondamentaux. Anachronique? Ta mère, eh!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, August 3rd 2020