BIG HARP GEORGE – Living In The City

Blues Mountain Records
Swing Blues
BIG HARP GEORGE - Living In The City

S’il fut un jour écrit que l’on ne peut réellement ressentir et jouer le blues sans l’avoir auparavant vécu, alors George Bisharat en est la confirmation vivante. Né à Topeka, Kansas, d’un père immigré palestinien et d’une mère native du Connecticut, il suivit sa famille en Californie où son géniteur, docteur dans le civil, fut affecté en tant que médecin militaire sur la base insulaire de Treasure Island, dans la baie de San Francisco. Se spécialisant ensuite dans les traitements post-traumatiques des vétérans, ce paternel entreprit des études de psychiatrie qui le menèrent avec ses proches de Topeka au Sud Dakota, avant qu’ils ne s’établissent à Rolling Hills, dans la péninsule sud-californienne de Palos Verde. C’est au cours de la seconde moitié des sixties, et par l’intermédiaire de son frère aîné (qui avait eu la chance de saisir le Butterfield Blues Band en concert) que le jeune George connut ses premiers contacts avec le blues. Depuis Paul Butterfield, le gamin remonta bientôt à Rice Miller, et se piqua ainsi d’emboucher un harmonica dès son treizième anniversaire. Découvrant ensuite forcément Little Walter, James Cotton, Junior Wells et George Smith, little George ne tarda pas à se produire à son tour au sein d’anonymes formations locales, et ses 17 ans à peine sonnés, parmi le circuit des universités du cru. Terminant ses propres études à l’Université Américaine de Beyrouth (qu’avaient fréquentée avant lui son père et ses oncles), il y forma avec quelques condisciples arabes et américains le Bliss Street Blues Band (du nom de la rue surplombant le campus), dont Otis Grand en personne fut un temps membre. Ses agrégations de droit et d’anthropologie en poche, George Bisharat embrassa ensuite une carrière d’avocat pénaliste et défenseur des droits, se spécialisant notamment dans les questions juridiques des relations israélo-palestiniennes. N’envisageant dès lors plus la pratique musicale qu’en tant que hobby persistant, son amour de l’instrument à lamelles l’amena toutefois à explorer parallèlement les perspectives nouvelles que lui ouvrait l’harmonica chromatique. Se consacrant dès lors à l’étude de certains de ses grands stylistes (George ‘Harmonica” Smith bien sûr, mais aussi Mark Hummel, William Clarke et le trop méconnu Paul DeLay), le naturel le rattrapa par le collet à la veille de la soixantaine (et à l’aube de la retraite), quand il publia en 2014 son tout premier album, intitulé “Chromatism”. Deux autres suivirent (“Wash My Horse in Champagne” en 2016 et “Uptown Cool” en 2018). Enregistré sous l’égide du producteur Chris Burns et du sorcier Chris “Kid” Andersen dans ses fameux studios Greaseland, celui-ci (son quatrième donc) propose un top notch crew au premier rang duquel on distingue, outre Kid Andersen (alternativement à la basse et à la guitare quasiment partout), et Chris Burns aux claviers, l’excellent batteur June Core (Little Charlie & The Nightcats), le sax tenor Michael Peloquin, mais surtout et avant tout (divine surprise) le sublime et regretté Little Charlie Baty sur près de la moitié des titres! Décidément en verve, Big Harp George en signe l’intégralité, du funky “Smokin’ Tyres” (avec un Andersen remonté à bloc et une section rythmique sur roulements habiles) au moyen-oriental “Meet Me At The Fence”. Digne des premiers Roomful Of Blues, la plage titulaire déploie sur tapis de cuivres moelleux un rétro-swing fleurant son lot canaille de prohibition, et Baty s’y ébroue comme un poisson chat en son bayou (de même pour l’irrésistible “Try Nice” et l’instrumental “Bayside Bounce”). Bon Dieu, ce qu’il nous manque déjà, celui-là ! Ace in the middle, cette plage devrait bénéficier d’une heavy rotation sur les stations spécialisées, si toutefois les DJs n’y sont pas affligés du syndrome de Beethoven. L’amour inextinguible de Little Charlie pour Django et Grappelli transpire sur l’intro du latin beat “Heading Out To Itaipu”, tandis que les cuivres y ondulent comme chez Sergio Mendes, que Carlos Reyes s’y fend d’un solo de violon digne de Sugarcane Harris, Big George d’un autre façon Stevie Wonder, et que Ben Torres y fait son Herbie Mann. Avec leurs lyrics dignes de Rick Estrin, les jumps cuivrés “Copayment” et “First Class Muck Up” (où Baty boute littéralement le feu), ainsi que le twist “Don’t Talk” (conseil avisé d’un avocat à son client), perpétuent la tradition satirique des Nightcats, et Big Harp George balance de ces soli high tone dont Rod Piazza et Paul Lamb détiennent également la recette (tandis que Chris Burns ressuscite Jimmy Smith sur la coda du premier). Le mambo “Chew Before You Swallow” évoque le Charlie Musselwhite cubano de “Continental Drifter” (avec un Baty cette fois encore impérial, et un Burns au piano chaloupé à souhait). Les trois ultimes plages traduisent la conscience sociale de Big Harp George, via son empathie naturelle envers les émigrés et les déracinés, et sa dénonciation des lobbies pharmaceutiques. En résumé: un album de first class swing comme on n’en repère plus tant que ça de nos jours. Fans de Sugar Ray Norcia, des Nightcats et Roomful Of Blues, si vous aimez votre blues assaisonné west-coast style, ne cherchez pas plus loin: vous êtes ici chez vous.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 4th 2021

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