Big Daddy Wilson – Smiling All Day Long (FR review)

Continental Blue Heaven – Street date : Available
Blues
Big Daddy Wilson - Smiling All Day Long

Big Daddy Wilson: le bluesman qui porte le poids de l’histoire et la lumière de l’humanité.

Un soir tranquille à Berlin, les lumières s’éteignent peu à peu, un léger bourdonnement emplit la salle avant qu’une voix s’élève, chaude, grave, infiniment humaine. Big Daddy Wilson ne se précipite jamais. Il n’en a pas besoin. Sa présence s’impose comme un feu de camp dans la nuit: elle rassemble, elle réchauffe, elle éclaire. Derrière ses lunettes de soleil, son visage reste calme, presque méditatif, comme si chaque chanson était une prière murmurée à la fois à Dieu et au monde.

Ce moment, simple et puissant, résume tout son nouvel album: le son d’un homme qui a vécu le blues, qui l’a traversé, et qui en a fait une lumière.

Big Daddy Wilson n’est pas seulement l’une des plus belles voix du blues contemporain. Il porte avec lui une histoire qui traverse les océans et les générations, une histoire commencée il y a plus de cinquante ans en Caroline du Nord. De son enfance dans le Sud ségrégué à ses années passées dans l’armée américaine, jusqu’à sa vie en Europe auprès de son épouse allemande, son parcours est celui d’une réinvention, d’une résilience et d’une foi inébranlable.

Mais pour comprendre ce nouvel album, il faut aussi percevoir la résonance politique qui le traverse, une réflexion discrète mais ferme sur le pays de sa naissance, aujourd’hui encore déchiré par les tensions raciales et le désordre social. Ce n’est pas qu’un disque, c’est une déclaration, une méditation sur l’identité, la justice, et la lutte pour préserver l’espérance.

Le morceau d’ouverture, «Smiling All Day Long», sonne comme un hymne à la gratitude, une ode à la vie, à l’amour et à la famille, ces piliers qui tiennent Wilson debout. Comme beaucoup d’artistes du Sud, sa foi imprègne son œuvre, non pas comme un dogme, mais comme une forme d’optimisme spirituel. C’est sa façon à lui de dire merci à la vie, une conversation intime avec le divin.

Puis vient «Hard Time Done Come», un titre qui renvoie immédiatement au meurtre de George Floyd et à la vague de douleur et de prise de conscience qui a suivi. Là où un journaliste rédigerait une chronique, Wilson, lui, la chante, tissant des couplets qui racontent l’injustice, la souffrance, mais aussi les éclairs de grâce qui jalonnent l’Amérique contemporaine. Tout au long de l’album, il passe sans effort de la lumière à l’ombre, de la joie au chagrin, capturant l’essence même de la vie en ce moment si troublé.

Musicalement, l’album marque une inflexion subtile. Certains arrangements rappellent les troubadours folks des années 1970, ces chanteurs contestataires pour qui la mélodie était une forme de résistance. Un choix délibéré, qui renforce le propos sans jamais l’alourdir. La voix de Wilson est à la fois intime et imposante, comme une conscience collective. À l’image de son contemporain Keb’ Mo’, il comprend que le blues peut encore parler à nos meilleures parts d’humanité, à condition d’allier le fond et la forme, le message et la musique.

Big Daddy Wilson et Keb’ Mo’ appartiennent à cette catégorie rare d’artistes blues qui soignent autant le texte que la sonorité. Leurs chansons sont ciselées mais jamais lisses, leurs émotions profondes mais toujours maîtrisées. Là où d’autres se taisent ou préfèrent se fondre dans le décor, Big Daddy Wilson, lui, continue à chanter, avec élégance, clarté et conviction. Son blues, lorsqu’on l’écoute attentivement, révèle des touches de soul, de jazz et de gospel. Il reflète une richesse culturelle et une imagination morale qui dépassent les frontières habituelles du genre, faisant de lui l’une des voix les plus essentielles de notre temps.

Chaque nouveau disque de Big Daddy Wilson est attendu avec impatience, et celui-ci, sans doute le plus personnel de sa carrière, en révèle toutes les raisons. Son langage est universel, à l’image de celui de Cat Stevens à son apogée, ou d’autres auteurs-compositeurs capables de parler à l’esprit humain avec chaleur et sincérité. Peu d’artistes aujourd’hui parviennent encore à nous émouvoir, nous troubler et nous apaiser tout à la fois.

Écoutez «Can We Leave in Peace», et vous comprendrez aussitôt: une chanson qui touche le cœur, qui emplit l’âme d’une humanité simple et sincère. À une époque marquée par le bruit et la division, cette musique ressemble à une main tendue, à un drapeau d’empathie dans des temps difficiles.

Je ne suis pas un spécialiste du blues, mais mes oreilles et mon cœur restent ouverts aux belles œuvres. Et de tous les albums de Big Daddy Wilson, celui-ci a une saveur particulière celle de la vérité et de l’humanité. C’est, sans aucun doute, son disque le plus intime, le plus sincère, le plus nécessaire.

Et c’est peut-être là le vrai miracle de la musique de Big Daddy Wilson: elle nous rappelle que le blues n’a jamais été seulement une histoire de chagrin, c’est une histoire de survie. C’est une façon de se souvenir de qui nous sommes, quand le monde, lui, l’oubli. Dans ses chansons, Wilson relie les continents et les générations, la foi et la colère, le passé et le présent. Il ne chante pas seulement le blues: il en restaure la mission première, guérir, rassembler, et rappeler qu’au cœur même de la douleur, l’âme peut encore sourire toute la journée.

Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News

PARIS-MOVE, October 7th 2025

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Musicians :
Lead Vocals: Big Daddy Wilson
Electric Guitar: Cesare Nolli
Electric Bass Guitar: Paolo Legramandi
Drums: Nicoli Taccori

The album Smiling All Day Long also features guest appearances from three-time Grammy nominee Eric Bibb and award-winning blues icon Hans Theessink.

Track Listing:
Smiling  All Day Long
Hard Time Done Come
Lulabelle
Way Down South
Still Counting Down
She Don’t Love Me No Mo
Walking
Can We Live In Peace
By Your Side
Imagination
OldSchool (Music)
Trying To Find My Way Home
I Want Jesus To Walk With Me
Anna Mae