BIG AL AND THE HEAVYWEIGHTS – Love One Another

Vizztone
Blues
BIG AL AND THE HEAVYWEIGHTS - Love One Another

Natif de New-Orleans, le batteur Al Lauro fit partie du groupe de scène de l’exubérant David Alan Coe (trublion notoire de la scène country, et membre honoraire du courant outlaw incarné par Waylon Jennings, Willie Nelson, Kris Kristofferson et autres reefer smokin’ long haired cow-boys). Il s’y lia avec un certain Warren Haynes (futur Dickey Betts Band, puis membre attitré des Allman Brothers, avant de fonder son propre Gov’t Mule), et entre les tournées avec leur employeur commun, nos deux larrons se distrairent un temps au sein du bien nommé Unknown Blues Band. Lorsqu’il se trouva élargi de toute obligation envers leur patron, Big Al se résolut à former à son tour son propre band, les Heavyweights, où s’illustra dès leurs débuts le phénoménal harmoniciste Jason Ricci. À la tête de six albums en un quart de siècle (dont le dernier chez EllerSoul), Big Al & The Heavyweights comptent de nos jours en leurs rangs l’excellent guitariste et chanteur Marcel Anton, l’émérite pianiste louisianais Wayne Lohr et le bassiste Mark Parsons. Le groupe compose à lui seul l’intégralité des 14 plages de cette nouvelle livraison, et avec le renfort de Luther Dickinson (North Mississippi All Stars) et Jason Ricci (venu épauler ses anciens comparses), la plage d’ouverture pastiche joyeusement le “Let’s Work Together” de Wilbert Harrison, tel que Canned Heat en fit en 1970 le hit que l’on sait. Sur un jump beat enlevé et à contretemps, “I Need A Fix” se joue malicieusement du double-entendre, tandis que “Sweet Louise” développe une engageante Louisiana  R&B vibe, teintée de cette slide virevoltante qui établit la marque de la formation. Hormis Al, chacun de ses membres s’avère en outre un chanteur confirmé (un peu comme au sein du line-up actuel des Nighthawks de Mark Wenner), et sur le boogie vernaculaire “Wild Tchoupitoulas”, les trois lascars s’en donnent à cœur joie en alternant chœurs et lead façon doo-wop. En bons chrétiens revendiqués, nos lascars savent poser le genou en terre pour louer le Seigneur, et c’est ce qu’ils font sur l’inspiré “Guardian Angel”, où Lohr officie à l’orgue en maître de cérémonie. Heureusement pour les athées et autres défroqués, l’égrillard vaudeville swing “Alright With Me” les préserve à point nommé de l’overdose d’eau bénite (magistral solo d’Anton à l’appui), même si “Stop This Messing Around” reprend le ton moraliste, sur un mode que n’auraient pas dédaigné les Staples Singers. Le jazzy shuffle “What Can I Say” ramène Ricci aux affaires, et il n’est que temps d’assumer plus avant l’ancrage louisianais de la formation, avec un bon vieux second line beat de derrière les fagots. C’est chose faite avec un “I’m Your Man” (signé Anton, mais réminiscent des Meters). Lohr y prend un roboratif solo de clavinet au Fender Rhodes, tandis que la section rythmique lui imprime son irrésistible déhanché d’horloge. Tant qu’ils s’y trouvent, nos amis déploient avec “Too Cold” un Nola Funk rappelant le Paul Butterfield’s Better Days, avec une méchante partie de clavinet early-seventies à nouveau signée Lohr, et un solo wah-wah en diable d’Anton. La ballade météorologique “Hurricane” s’abrège curieusement en fade pour céder le pas au mid-tempo gospel funk “Everybody Needs Somebody”, sur lequel les chœurs s’illustrent à nouveau. Porté par une slide hantée, le menaçant “Underground” évoque le spectre de Howlin’ Wolf nous interpellant depuis les tréfonds de l’Hadès, mais nos lascars tenaient à conclure ce disque sur une note positive, et l’achèvent sur un “Zydeco Love” typique de leur tradition régionale. Bref, voici donc le copieux et réjouissant septième effort de l’un des fleurons actuels du New-Orleans sound, efficacement produit par George Curreau (dont les états de service incluent les Meters). Du good time blues & R&B à tous les étages: les fans de Canned Heat et consorts ne devraient pas faire la fine bouche.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, February 22nd 2022

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