BETTE SMITH – The Good, The Bad And The Bette

Ruf Records
Soul
BETTE SMITH - The Good, The Bad And The Bette

Depuis son “Jetlagger” de premier album (paru début 2018), on était sans nouvelles de cette prometteuse vocaliste de Brooklyn qu’est Bette Smith. Son retour sous l’égide de Thomas Ruf ne peut donc que susciter un sentiment d’urgence, mêlé de soulagement et d’impatience. C’est qu’après les lustres de traversée du désert que lui imposèrent le turn-over des modes successives (du disco à l’électro et au hip-hop), la soul music semble désormais revenue en force, par la grâce d’une brassée de nouveaux interprêtes, tous manifestement plus à même d’en restituer la substantifique essence. Mais les étoiles peuvent bien filer, seuls les véritables artistes parviennent à s’inscrire dans la durée: c’est cette même règle immuable qui distingua du peloton de leurs émules des géants tels qu’Arthur Conley, Sam & Dave, Wilson Pickett ou Otis Redding. Si Jimbo Mathus (ici présent à la guitare) avait produit son premier album, c’est au bassiste de Drive-By-Truckers, Matt Patton, ainsi qu’au batteur Bronson Tew, que Bette Smith a confié la production de celui-ci. Par delà la référence de son titre à Sergio Leone, et celle de son art-work à Johnny Guitar Watson (on n’avait pas aperçu autant de poils sur une pochette depuis son “Ain’t That A Bitch” de 1976!), cet album regorge de Bettes: depuis Betty Lavette (ces “Whistle Stop”, “Song For A Friend” et “Don’t Skip Out On Me” au feulement de panthère en peine d’amour) jusqu’à Betty Davis (le hautement inflammabe “I’m A Sinner”, porté par la guitare en fusion de Jimbo Mathus), en passant par Betty Wright (dont “Fistful Of Dollars” fait ici le pendant à son “Mr Big Stuff”). Pas moins de huit guitaristes officient aux fourneaux, et des torches stoniennes telles qu'”I Felt It Too” (imaginez les Faces jammant avec Johnny Thunders derrière une Tina Turner en rut), et “Signs And Wonders” (la même, avec le grand Luther Dickinson dans les rôles de Steve Cropper, Keith Richards et John Fogerty réunis), ainsi que “Human”, résument tout ce après quoi cavalait Muriel Moreno au temps du “J’ai Vu” de Niagara. Le reste est à l’avenant: les cuivres d’Henry Westmoreland convoquent l’esprit de Bobby Keys et des Memphis Horns, la rythmique a bouffé du puma, et les chœurs gospel défroqués invitent à se joindre à eux sur le typiquement southern-rock “Pine Belt Blues”, aux parfums skynyrdiens en diable. Le frontman de Drive-by-Truckers, Patterson Hood, se joint à la fiesta pour célébrer le “Everybody Needs Love” du regretté Eddie Hinton (légende incomprise de la soul sudiste la plus divine, que les connaisseurs les mieux avertis considéraient en son temps comme l’incarnation blanche d’Otis Redding et James Carr). Loin de ne constituer qu’un album de soul revival de plus, ce brûlot représente l’un des crossovers les plus aboutis entre rhythm n’ blues millésimé et classic-rock: la réponse aussi tardive qu’inespérée au “Sticky Fingers” des Stones, en somme… Jetez-y donc une oreille, et vous comprendrez. En écho au jeu de mots titulaire, on ne peut donc que conclure: qu’elle est belle, la Bette!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 4th 2020

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2020 est une année à marquer d’une pierre blanche pour la nouvelle Diva de la Soul qu’est devenue Bette Smith, l’artiste native de Bedford-Stuyvesant à Brooklyn. Elle sort en effet son deuxième album personnel et deux albums en compagnie d’autres artistes: un Dance Monkey avec Kirk Fletcher et un Memories avec Jesse Johnson. Ce qui tendrait à prouver que la Dame est en train de se faire une belle place au soleil, due, sans aucun doute, à ses nombreuses compétences vocales et au succès de son premier album, Jetlagger. Le nombre de musiciens (et leur renommée) qui participe à l’enregistrement de cet opus confirme ce que l’on vient d’avancer. Pas moins de 8 guitaristes: Luther Dickinson (North Mississippi All Stars), Jimbo Mathus (Squirrel Nut Zippers, Buddy Guy, Alvin Youngblood Hart), Matt Patton (Drive-By Truckers), Craig Pratt, Jody Nelson, Bronson Tew, Curtis J. Brewer, John McLeod…, le même Matt Patton à la basse (poste qu’il occupe habituellement dans la formation nommée ci-dessus), Bronson Tew à la batterie, Henry Westmoreland aux cuivres, Eric Carlton au piano, Jimbo Mathus et Henry Westmoreland à l’orgue, et Jamison Hollister aux autres instruments à cordes. Ajoutons à cela 4 choristes et l’équipage est complet! Bette Smith a composé 3 titres et interprète 7 autres chansons d’une qualité irréprochable et dans lesquelles on retrouve tous les ingrédients propices à la réalisation d’un fabuleux album de Soul mâtiné de Gospel sur lequel plane l’âme des grandes prêtresses du genre qui l’ont précédées sur cette voie. Un grand album!

Dominique Boulay
PARIS-MOVE & Blues Magazine (Fr)

PARIS-MOVE, 10th September 2020