BETTE SMITH – Jetlagger

Big Legal Mess
Soul

Règle immuable: ne jamais se fier aux apparences… En l’occurrence, comme disait ce bon Bo Diddley, on ne peut pas juger d’un livre en se fiant à sa jaquette. C’est précisément le cas de ce premier album de cette jeunesse de Brooklyn, Bette Smith. À la vue de son artwork, on croirait une compile disco de la fin des seventies, mais la surprise n’en est que plus radicale: cette donzelle regarde bien plus loin dans le rétro! À une époque où la soul music, reléguée par le drive des bikers et le psychédélisme hippie, devait, pour continuer à exister, se frayer un chemin un jouant des hanches et des coudes. Sans se départir de leurs racines doo-wop et gospel, les artisans de ce renouveau se nommaient alors Sly Stone, Joe Quaterman et Maxayn. Prompts à saisir d’où venait la brise, Curtis Mayfield, Isaac Hayes et jusqu’à Wilson Pickett leur emboîtèrent le pas, et la boussole leur indiqua un studio exigü perdu au fond de l’Alabama: Muscle Shoals. C’est de là, depuis la fin des sixties jusqu’au milieu des années 70, qu’une brochette de zicos et de producteurs roués mitonnèrent une soul qu’on qualifia de sudiste. Aussi lascive que terrienne, propulsée par des cuivres ayant digéré l’héritage Stax, et des rythmiques léguées par Rufus Thomas et consorts. De tous les producteurs actuels, Jimbo Mathus s’avère l’un des rares (avec Gabe Roth chez Daptone) à savoir restituer l’essence de cette école. C’est incontestablement à lui que l’on doit la touche résolument vintage de cette rondelle, mais ses efforts seraient restés vains si la Bette Smith en question ne recelait pas un véritable tempérament. Et c’est peu d’attester qu’elle n’en manque pas! Écoutez la feuler comme une panthère (noire) sur “Shackle & Chain”, “Dirty Hustlin'” et “Manchild”. Et appréciez ses rugissements sur les riffs de “Moaning Bench” (dont la slide évoque le travail de sessions du regretté Duane Allman): bon Dieu, ça ne vous rappelle pas l’époque où la grande Tina, sous la houlette macho de son diable d’Ike, humiliait les Stones eux-mêmes sur “Honky Tonk Women”? Et quand l’heure moîte point à l’horloge, que les lumières se tamisent et que l’humeur vire au grivois, Miss Bette Smith sait aussi répondre présente (“Do Your Thing”, et son climat blaxploitation salace). Alors que les cendres de Sharon Jones sont encore tièdes, cette jeune artiste survient à point nommé pour reprendre le flambeau. À suivre et à soutenir sans réserve!
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Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

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Un look qui n’est pas sans rappeler Angela Davis et des arrangements musicaux qui évoquent la même période que celle de la révolutionnaire américaine confèrent à cet opus un côté vintage et rétro qui ne peut qu’attirer l’attention des vrais amateurs. La pochette côté recto fait bien vintage, c’est assumé, et la superbe photo du verso de la cover va vous faire chavirer le coeur. Vient ensuite le moment de l’écoute! Et là, nous allons d’enchantements en enchantements. Du Gospel, de la Soul et du Blues en veux-tu en voilà! Avec des sonorités qui vont même jusqu’à nous faire penser aux Beatles, c’est dire….! Il faut dire que le producteur-musicien Jimbo Mathus (14 CDs entre 1997 et 2016, dont un avec Ian Siegal), commence à en connaître un rayon en ce qui concerne les roots des musiques afro américaines. Pour ce premier disque de la Dame, il a sollicité des guitares, des claviers, une batterie, une basse, un violon et des cuivres, 8 musiciens et 5 choristes… un ensemble détonnant, en somme! Les dix titres s’écoutent presque beaucoup trop vite, tellement l’album est bon. Reprises et morceaux originaux alternent sur ce superbe premier album de cette déjà immense artiste: une reprise de Van Zandt et M. Mckee de l’album Shelter de Lone Justice, une de Famous L. Renfroe, une d’Issaac Hayes, une des Staples Singers, ainsi que quatre de son producteur et eux de Bette Smith elle-même! Une des premières pépites de la nouvelle année! Un des grands coups de coeur de ce début 2018!
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Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)
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Bette Smith – Manchild (Official Video): ICI
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Bette Smith at Juno Records: HERE