Benjie Porecki – All That Matters (FR review)

Funklove productions – Available
Jazz
Benjie Porecki – All That Matters

Par le hasard des choses, c’est le premier disque de Benjie Porecki qui nous parvient, bien qu’il ne s’agisse en rien de son premier essai. Le claviériste et compositeur a déjà publié cinq autres albums, chacun affirmant sa place dans une carrière qui s’est discrètement tissée au cœur du paysage musical américain. Et dès les premières mesures, on reconnaît chez lui cette faculté rare de bâtir des récits, de créer des décors vibrant de textures et d’ambiances, des univers traversés de charme et de poésie. Un don qui doit beaucoup, évidemment, aux rencontres qui ont jalonné son parcours: Carlos Santana, Buddy Guy, Pieces of a Dream, Maysa, Chaka Khan, Patti LaBelle, Kirk Whalum, Tom Scott, Nnenna Freelon, Angie Stone, et bien d’autres encore. Chacun de ces artistes incarne un univers singulier, et pourtant Porecki a su y trouver sa place, absorbant et restituant leur singularité.

Ce qui se dessine ici, c’est le portrait de Porecki lui-même. On devine presque des paroles qui viendraient se poser sur chacun des morceaux, pour la plupart de sa plume, à l’exception du tendre Just When I Need You (Mercury/Flack) et du titre de clôture, le classique She’s Gone de Hall & Oates. Rien d’étonnant à cela: Porecki est avant tout un grand mélodiste. Sa musique puise librement dans le funk, la soul, la pop, le rock et bien d’autres sources encore, mais toujours avec une voix qui n’appartient qu’à lui.

Même la pochette de l’album, un chat scrutant l’extérieur à travers des rideaux de nylon, semble refléter l’expérience d’écoute. Comme ce félin, nous voilà installés sur le rebord de la fenêtre, contemplant les paysages mouvants que Porecki imagine. Ce qui, au premier abord, paraît être un disque agréablement accessible se révèle rapidement porté par des arrangements subtils et précis, une architecture invisible qui n’appartient qu’aux musiciens forts de longues années d’expérience.

Si sa carrière s’est souvent définie dans l’accompagnement d’autres artistes, les albums en solo de Porecki livrent une vision plus intime de son art. Tout au long de son catalogue, on peut suivre la source de ses inspirations, l’évolution de son langage. La comparaison s’impose presque d’elle-même: Michel Legrand vient à l’esprit, même si Porecki se révèle souvent plus audacieux, plus inventif. Son sens mélodique, enraciné dans une profonde compréhension de son art, éclaire des pièces comme Sonora, qui emprunte autant à Duke Ellington qu’à Erik Satie, et qui se dévoile couche après couche, morceau après morceau. Chacun de ses albums constitue une étape supplémentaire dans ce parcours, un chapitre de plus dans une histoire au long cours.

Il y a aussi chez Porecki quelque chose du magicien. Il possède cette oreille capable de discerner quel instrument, l’orgue Hammond B3 ou le piano fera jaillir la lumière au bon moment, une précision qui confère à sa musique densité et conscience, jusque dans le poids exact de chaque note, dans son placement dans le temps et l’espace. Le résultat, c’est une poésie de la résonance, une musique qui respire et vit. On l’imagine presque penché sur son cahier, noircissant les portées de notes avec ferveur. Et quand la musique prend forme, elle ne se contente pas de jouer: elle se vit, se rêve, et finalement, se savoure. Comme un grand vin partagé entre amis, elle s’attarde, se complexifie au fil du temps, et donne envie d’y revenir encore.

Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News

PARIS-MOVE, September 2nd 2025

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Website

Musicians :
Benjie Porecki: piano, organ, pads
Mark Prince: drums
Michael Bowie: bass

Track Listing :
Passage Of Time
Just When I Needed You
Wise Decisions
Home At Last
Sonora
All That Matters
Intermezzo
Bring It On Home
Letting Go
She’s Gone