BEN POOLE TRIO – Live 19

Autoproduction
Blues
BEN POOLE TRIO - Live 19

Comme l’histoire l’a démontré, en matière de blues-rock et de guitar-heroes, il faut battre le fer tant qu’il est chaud. C’est probablement ce qu’a conseillé au jeune Ben Poole son nouveau batteur, Wayne Proctor. Tout juste élargi de King King (alors qu’il en demeurait l’ultime membre fondateur avec Alan Nimmo), celui-ci a en effet vu passer (et se crasher) quelques comètes. Ainsi de The Hoax (qui se souvient que l’actuel crooner de ces dames, Hugh Coltman, en était le vocaliste?), puis de Jon Amor, jusqu’à Innes Sibun et Oli Brown: la roue semble en effet tourner de plus en plus vite pour les prodiges précoces des six cordes. C’est sans doute ce qui explique en partie ce second album live en cinq ans, alors que Ben Poole n’en a enregistré à ce jour que trois en studio. Il faut reconnaître aussi que ce dernier a procédé à une sévère compression des effectifs depuis son “Live At The Royal Albert Hall”, dont le line-up a été non seulement complètement renouvelé, mais se trouve désormais réduit à un simple trio (exit donc, outre la section rythmique d’origine, la choriste et les claviers). Si le guitariste a manifestement gagné en assurance, le timbre soulful et voilé du chanteur préserve encore une certaine marge de progrès (surtout sur les titres les plus tapageurs). “Win You Over” est un Texas-shuffle réminiscent de Stevie Ray Vaughan, tandis que “Take It No More”, “Start The Car”, “The Question Why” et “Further On Down The Line” empruntent la geste funky d’un Robin Trower, et incitent le public à la danse. L’un des enjeux du blues réside dans la maîtrise de l’alternance entre tension et détente, et c’est manifestement l’une des leçons que Poole a retenues de ses prédécesseurs. La longue cover du fameux “Have You Ever Loved A Woman” de Billy Myles (dont on ne compte plus les versions, depuis Clapton et Freddie King jusqu’à Gary Moore) se révèle en l’occurrence un modèle du genre, en progressant depuis une intro guitare-chant subtile et feutrée jusqu’au climax qui soulève les foules. C’est le genre d’exercice qui distingue les véritables bluesmen des simples tripatouilleurs de pédales, et il faut admettre que le gamin passe l’épreuve haut la main, en démontrant toute l’étendue de sa palette. Selon la même dynamique, les tours de force “Don’t Cry For Me” et “Time Might Never Come” culminent ainsi en de terrassants crescendos après avoir laissé mariner l’auditeur avant la tempête, pour le laisser finalement groggy et pantelant après l’assaut. Même sur un blues-rocker aussi piéton que “Lying To Me”, ce garnement trouve moyen de caser un chorus vicelard façon Yardbirds circa “Psycho Daisies”. Opter ainsi pour Jeff Beck après toutes ces années de Jimmy Page ne peut relever que d’un goût assuré. De même pour “Found Out The Hard Way”, “Stay At Mine” et “Anytime You Need Me”, dont les soli évoquent le Gallagher équilibriste de “Calling Card”. Perpétuant à point nommé la tradition du double live, le Ben Poole power Trio en repousse ici les limites, tout en en respectant les canons (solo de basse à l’appui). Un classique en puissance, dressant un pont temporel entre le “Band Of Gypsies” de Jimi et les enfants de 2020. Eh bien, qu’est-ce que vous attendez? Foncez, bon Dieu, puisqu’on vous dit que ça risque de ne pas durer!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 22nd 2020