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Overlook de Ben Clifton : un kaléidoscope audacieux de jazz par un musicien inclassable
Le début du mois de juillet s’accompagne d’une série de sorties d’albums prometteuses, mais rares sont celles aussi ambitieuses et finement ciselées que Overlook, la nouvelle œuvre du compositeur et multi-instrumentiste Ben Clifton. Ancien enfant prodige ayant entamé sa carrière musicale à l’âge de six ans sous la tutelle de Kathryn Bernard, Clifton démontre aujourd’hui à quel point cette promesse initiale s’est épanouie. Pianiste, bassiste et batteur de haut vol, il insuffle dans chaque morceau une virtuosité discrète, un sens de la composition profondément incarné dans chacun des instruments qu’il maîtrise. Le tout donne naissance à un album aux arrangements somptueux, d’une complexité mélodique libre et assumée.
Le public avait déjà entrevu ce potentiel dans son tout premier EP, Reflection. Depuis, Clifton a partagé la scène avec des figures majeures du jazz telles que Joe Lovano, Bobby Watson, Larry Coryell, Terri Lyne Carrington, Carl Allen et Dwayne Dolphin. Après avoir posé ses valises à Houston, au Texas, il s’est rapidement imposé comme l’un des pianistes les plus polyvalents et recherchés de la scène locale. Il forme un trio avec le batteur Gavin Moolchan et le bassiste Tim Ruiz, lauréat d’un Grammy Award, tout en collaborant avec des artistes comme Jalen Baker, Shelley Carrol, Andre Hayward et plusieurs membres du Houston Jazz Collective. Sa curiosité musicale l’a mené à travailler aussi bien avec DJ Sun et l’Aperio Orchestra qu’avec le B.B. King Blues Band sous la direction de James Bolden.
Cette diversité musicale n’est pas un simple atout chez Ben Clifton: c’est l’essence même de sa démarche artistique. Sur Overlook, l’auditeur est invité à plonger dans un univers sonore qui convoque aussi bien la musique classique que la soul, le rock ou encore des atmosphères cinématographiques. Si l’on tend l’oreille, on perçoit ces influences comme des touches subtiles, des couleurs déposées çà et là selon l’inspiration du moment. Clifton ne se contente pas de faire des clins d’œil à ces genres: il les réinterprète, les infuse et en fait les ingrédients d’un langage musical singulier.
L’album est à la fois brillant et indomptable, un de ces rares objets sonores qui échappent aux classifications, et que l’on chérit pour cela même.
Ben Clifton s’exprime à travers ses instruments. Que ce soit au piano, à l’orgue Hammond ou au clavier, sa voix est reconnaissable entre toutes : parfois volubile, parfois contenue, mais toujours pleine de justesse. Overlook se déploie comme une rêverie cinématographique, aux paysages mouvants, aux contours flous mais évocateurs. L’auditeur ne s’égare jamais; il est doucement guidé à travers ces décors intérieurs façonnés par des souvenirs, des émotions et une patience artisanale. Ce sont là des impressions mûries, conservées, polies, puis offertes sous forme musicale avec une rare délicatesse.
Le morceau Relapse incarne à merveille ce rôle de conteur-poète que Clifton endosse avec aisance. Il s’y lance dans une quête du beau, une quête de l’inspiration semblable à une source cristalline jaillissant d’une cascade cachée. C’est un moment suspendu, propice à la contemplation comme à la réflexion. Car Clifton sait passer, souvent dans un même souffle, du récit à l’émotion pure. Il parle à quelque chose de profond en nous, mémoire collective, inconscient musical, et bien que son œuvre s’appuie sur les fondations du jazz, c’est une voix bien plus personnelle, presque secrète, qu’il nous donne à entendre ici.
Ben Clifton est encore au début de son chemin, mais Overlook sonne déjà comme une déclaration d’intention. Cet album n’est pas seulement une réussite esthétique: c’est le témoignage d’un compositeur en train d’embrasser pleinement sa propre voie, une voie où l’imagination rivalise avec la précision, où la sensibilité dialogue avec la structure. Pour peu que l’on accepte de s’y abandonner, on comprend vite: ce n’est là que le début d’une aventure artistique qui s’annonce remarquable.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, June 24th 2025
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Houston Ensemble (Ben Clifton, piano) :
Tracklist:
Convocation
Shadows
No Access to Hollywood
Serenity
Constructs
Overlook
Relapse
Cortlandt
Lost On Mapple
Return To Sanity
Introspection
Dream State
Don’t Live The Same
Precious Transition