BARRETT ANDERSON BAND – HypnoBoogie

Whitaker Blues Records
Blues-Rock
BARRETT ANDERSON BAND - HypnoBoogie

Entre 1968 et 1977, s’adonner au blues-rock pouvait certes s’avérer un judicieux plan de carrière, mais en 2021, cela ne peut par contre s’apparenter à un quelconque opportunisme. Les aspirants à la fortune ont en effet plus que jamais intérêt à se recycler dans la finance, l’industrie numérique ou les énergies renouvelables, et le genre musical en question ne relève désormais le plus souvent que de dinosaures attardés, trop ataviques pour songer à prendre leur retraite, voire à un hasardeux recyclage. À peine âgé de 37 ans (faîtes le calcul), le guitariste bostonien Barrett Anderson aurait donc toutes les excuses pour bosser dans un cabinet d’experts-comptables, et ne sortir en boîte chaque week-end que pour se trémousser bêtement avec ses collègues sur de l’électro. Sauf que tout comme Obélix, le môme est tombé tout petit dans la marmite de potion magique: ayant agrippé une guitare à l’âge de treize ans, il accompagnait déjà les légendaires Pinetop Perkins et Bob Margolin deux printemps plus tard, avant d’intégrer trois ans durant les Broadcasters de Ronnie Earl. On fait pire comme école, et de 2002 à 2005, le jeune Barrett fit ensuite partie du Monster Mike Welch Band (notez que la plupart de ces gens appartiennent à la prolifique scène du Massachussetts). Il enregistra son premier album solo (“All The Way Down”) dès 2007, et le second (“The Long Fall”) en 2012, tout en animant à la tête de son propre band le circuit des clubs de Nouvelle-Angleterre. Le triumvirat qui l’accompagne ne fait pas dans la demi-mesure, et la section rythmique est plutôt du genre Alamo (la Garde meurt mais ne se rend pas). Peut-on encore enregistrer de nos jours le “Mona” de Bo Diddley (repris depuis plus de six décennies par des piétons tels que les Stones, Mick Farren, les Troggs et Quicksilver) sans passer pour un ringard passéiste? Avec ses chœurs en canon, la version qu’en restituent ces soudards en introduction de ce tétanisant live LP répond (entre autres) à cette question. Le jeu de Barrett Anderson doit beaucoup à ses années d’apprentissage, où l’on perçoit qu’il étudia assidument Skip James, Duane Allman et Mike Bloomfield, ainsi que des mentors du South-Side tels qu’Hubert Sumlin, Otis Rush et Magic Sam. L’empreinte de ces géants est particulièrement prégnante sur sa reprise du “Looking Good” de Sam Maghett (lui-même inspiré du “All The Blues, All The Time”d’Ike Turner), ainsi que sur des originaux tels que les enlevés “Good Man” et “Gone”, tandis que celle du Band Of Gypsies de qui-vous-savez adoube ici “Not Your Baby” (wah-wah, bref solo de basse et funky beat inclus), et que celle du Wolf Burnett en fait autant avec “Emma Lee”. Les instrumentaux “The Long Fall” et “Blind Faith” (sans oublier le furieux “Broken Down”) évoquent pour leur part ces jams psycho-bluesy que pratiquaient voici un demi-siècle déjà de glorieux aînés tels qu’Al Kooper, John Cippolina, Jorma Kaukonen, l’Allman Brothers Band et la bande à Garcia, tandis que leur version du “Grinnin” In Your Face” de Son House offre à la slide de Charlie Mallet l’occasion de projeter autant de copeaux fumants que celle de Guy Forsyth. Pour témoigner de leur fidélité au patrimoine local, nos amis concluent ce brûlot par une version incandescente du “(Ain’t Nothin’ But A) House Party” des Showstoppers, popularisé dans la région par le vénérable J.Geils Band, et signe manifeste de culture et de goût s’il en est. L’un des quatre albums live majeurs de l’année: shake your moneymakers!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 10th 2020