Bad Mules – Keep Rolling

Autoprod
Blues

L’époque est aux formations improbables: basse-batterie seules (Royal Blood), duos guitare-batterie (White Stripes, Black Keys)… mais depuis le temps d’Ainsley Dunbar, John Hiseman et autres John Dummer, les groupes dont le leader est un batteur ne sont toutefois plus légion. Et pour cause: par delà une technique consommée, la fonction demande un aplomb naturel et un sens de l’équilibre que l’instrument mobilise déjà beaucoup. C’est pourtant le rôle qu’assume avec brio Denis Agenet, pivot des Bad Mules, quatuor nantais compensant l’absence d’un bassiste par le recours à un organiste polyvalent. Comme les Doors, certes, mais la comparaison s’arrête là, puisque les Mules versent pour leur part dans le rhythm’n’blues vintage. Conscients de l’ornière rétro où l’exercice pourrait les cantonner, ils composent l’essentiel de l­eur répertoire, se limitant ici à trois reprises bien senties (Jimmy Liggins, Dave Bartholomew et Johnny Guitar Watson). Se répartissant les parties vocales et l’écriture avec le guitariste Julien Broissard (ex-Scratch My Back), Denis Agenet soutient donc autant qu’il les relance, leurs deux compères: l’organiste Philippe Gauthier et le sax Freddy Pohardy Riteau. Dès le funky “Reefer Man” (célébrant une pratique médicinale en vogue chez les rastas) et le jump “The Garden Of Love”, les Mules circonscrivent leur territoire, swing et laidback à la fois. Le mid-tempo “I’ll Break Your Heart” (un original digne du Jimmy Witherspoon de la grande époque) offre au Hammond B3 et au saxo deux belles pistes d’envol. Le jeu de Broissard sur les six cordes s’avère confondant de feeling et de concision, comme en attestent son solo sur la coda de “How Long”, ou celui, à la manière économe d’un Steve Cropper, de “My Evil Twin”. On devine que ces lascars ont potassé leurs Eddie Vinson, Jimmy McGriff et McCracklin, puisque l’on ne pratique pas ces genres sans un certain bagage. En dépit d’un ancrage géographique similaire (que confirme la présence d’Arnaud Fradin derrière la console), les Bad Mules ne sont pas le Malted Milk du pauvre. Au contraire, leur cohésion et leur swing en font l’une des formations les plus originales et excitantes de la scène actuelle.

Patrick Dallongeville
Paris-Move / Blues Magazine / Illico / BluesBoarder

Bad Mules