BAD DADDY – It’s A Mad Mad Bad Dad World

Piehole records
Blues
BAD DADDY - It's A Mad Mad Bad Dad World

Ne nous berçons plus de fadaises: avec le streaming et les plates-formes digitales, le business de la musique risque bien, à plus ou moins brève échéance, de voir disparaître non seulement la notion même d’album, mais aussi la simple dimension physique des œuvres enregistrées. Le disque, tel que la génération des Boomers l’a instauré et célébré, aborde sans doute ses derniers soubresauts (du moins en tant qu’objet de grande consommation). Consciente de cette évolution, une bonne part de la génération actuelle de musiciens (ceux qui font ça par amour, et non sous l’influence de quelque business school) se résout donc à conserver un day-time job pour préserver sa liberté artistique. Originaire du petit État du Maine (capitale, Augusta), le guitariste et chanteur Paul Waring est assurément du nombre. Designer naval dans le civil, il s’est intégré par sentiment à la scène des clubs de Chicago. Et s’il finit par y épouser la cause de son déménagement dans la Cité des Vents, il en fit également autant de celle du blues local, y nouant de fructueuses amitiés. C’est avec le guitariste et producteur Pete Galanis qu’il a patiemment élaboré son second album depuis 2008, avec le renfort de la section rythmique 24 carats que constituent Ari Seder et Jason Edwards. Les deux comparses s’adjoignirent pour la touche finale l’apport décisif du Hammond B3 d’un certain Elton Jaan (sic), et pour le moins dont on peut en témoigner, les dix plages de cette galette s’avèrent 100% non trafiquées. Ayant profité des mois d’été pour tourner intensivement, Waring aligne des compositions où transpire parfois l’ombre de géants tels que l’Allman Brothers Band (“Blues At Home”, “Left Me With The Blues”), et son jeu de guitare incisif les irrigue de son flux inspiré. Il va sans dire que l’orgue du dénommé Jaan y fait souvent jeu égal avec celui du leader, et des originaux si bien troussés que les terrassants “Just My Luck” et “Blue On You” (dans la veine d’Albert King et SRV), ainsi que “Pork Pie Hat”, “These Times” ou “This Mother’s A Miracle”, y tiennent la dragée haute à la seule cover du lot (“Where You Been So Long” de Mighty Sam McClain). Si pour vous, le terme blues ne s’est jamais départi de celui d’authenticité, cet album vous touchera au cœur: un classique inespéré.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 4th 2022