BACKTRACK BLUES BAND – Your Baby Has Left

Vizztone
Blues
BACKTRACK BLUES BAND - Your Baby Has Left

Quarante ans d’existence… Pour un groupe de rock, cela peut se traduire de deux manières: soit comme les Stones (multi-millionnaires faisant fructifier leur catalogue jusqu’à la trame), ou alors comme les Pretty Things (malencontreux apôtres, rincés et forcés de jeter l’éponge après des lustres de loyal sacerdoce). Pour un blues band, c’est au contraire souvent le moment où le stew commence à gélifier (les exemples abondent). Fondé dans la baie de Tampa en Floride, le BACKTRACK BLUES BAND aligne le même genre de pacte que Little Charlie & The Nightcats, Paul Lamb & The Kingsnakes, Anson Funderburgh & The Rockets, Mike Morgan & The Crawl et (oui) les T-Birds: un leader à la faconde hâbleuse au chant et à l’harmonica, doublé sur sa droite par un guitar-slinger digne des plus impitoyables spadassins. La plage titulaire emprunte à John Lee Hooker le pattern de son “Dimples”, tandis que “Killin’ Time” en fait autant avec le “Done Somebody Wrong” de Rice Miller, et “You’ll Come Back Someday” ressemble à s’y méprendre à un cousin speedé du “Help Me” de ce même grigou. Et alors? Qui oserait prétendre que l’histoire du blues n’est rien d’autre que cette litanie ininterrompue de rip-offs assumés? Seule cover revendiquée du lot, le “Natural Born Lover” de Jimmy Reed traîne ici ses savates swamp du côté de Lazy Lester et Benoît Blue Boy, tout comme l’impeccable “Girl On Bordeaux Mountain” (ces types sont manifestement moins calés en géographie qu’en blues). Résumons nous: le leader Sonny Charles s’avère un souffleur de première bourre (entre les deux Walter, Sonny Boy, Kim Wilson et William Clarke, faut-il vous le détailler plus avant?), le Kid Royal qui officie en tant que lead-guitar ne fait jamais le moindre quartier (son “Times Is Hard” démontre en huit minutes chrono où Stevie Ray en serait aujourd’hui, s’il avait eu la salutaire phobie des hélicoptères), et la section rythmique dispose des amortisseurs nécessaires pour accompagner pareil équipage en toutes circonstances (au hasard, les jumps “Dixie Grill” et “She Might Get Mad”, évoquant les riches heures d’un Rod Piazza). Les claviers du grand Bruce Katz lient la sauce, et il faudrait se montrer bien bégueule pour ne pas trouver ici matière à rassasier le plus renâcleur des blues aficionados. Que voulez-vous, cette musique ne s’explique pas, ça vous titille la moelle, ou pas. Et dans le cas présent, ça réveillerait un paralytique en catalepsie dépassée.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, February 28th 2020