AZAT BAYAZITOV – Expectations

Autoproduction
Jazz
AZAT BAYAZITOV - Expectations

Né en Russie, le jeune saxophoniste Azat Bayazitov est établi à New-York depuis 2017. Ayant débuté en tant que soliste au sein du Igor Butman Moscow Jazz Orchestra (après avoir successivement étudié auprès de la Gnesins Russian Academy Of Music et au Jazzcampus de Bâle, en Suisse), il nous livre son troisième album en leader depuis ses “If You Still Trust” de 2015 (Butman Music Records) et “The Doors Are Open” de 2019 (Rainy Days Records), tous deux captés à New-York. Pour celui-ci, il est retourné sur les lieux de son apprentissage, afin d’enregistrer neuf originaux de sa plume dans le studio du Jazzcampus, en compagnie de musiciens professionnels et étudiants du cru. Ils sont près d’une douzaine à l’y entourer (dont un quatuor à cordes sur trois plages, ainsi qu’un flûtiste, un pianiste et un duo de clarinettes), tandis que seuls le guitariste Silvan Joray, le bassiste (et contrebassiste) Roberto Koch et le batteur Janis Jaunalksnis figurent sur chacun des titres. Nimbée des cordes du quatuor, la plage titulaire ouvre le ban en concédant d’emblée un solo à la flûte virevoltante de Fernando Brox, bientôt relayée à l’unisson par le ténor d’Azat, sur un pont préfigurant l’envol de ce dernier en un chorus trahissant l’empreinte de Michael Brecker. Introduit par le piano de Julia Perminova, le languide “Very New-York” offre à Koch un solo de contrebasse, puis un autre de guitare électrique à Joray, tandis qu’Azat en prend un à son tour au sax soprano, dans la veine de Joshua Redman. C’est seul (et au ténor) qu’il entame ensuite le bien intitulé “Be Loose”, qui se poursuit en quatuor avec la section rythmique et la guitare, selon un énergique mode hard bop. Azat persiste avec talent sur le même instrument au fil du sentimental “Maybe Later” qu’introduit et sous-tend le quatuor à cordes, tandis que la guitare y tisse de délicats accords. Sur une métrique irrégulière évoquant les explorations du Paul Desmond d’antan auprès de Dave Brubeck, l’impressionnant “Streching Out” offre d’emblée un nouveau chorus à la contrebasse de Koch, tandis que les rimshots de Jaunalksnis y impulsent un furtif bossa beat. C’est sans doute la séquence la plus proche de ce que produisirent certains acteurs déterminants de la scène jazz européenne dans les seventies (tels Ian Carr et Karl Jenkins), et les six cordes de Joray y étincellent à part égale avec les cuivres, tandis que Janis y abat un travail éblouissant sur ses cymbales et fûts. Pour leur troisième (et dernière) contribution, les cordes accueillent pour guest le clarinettiste basse Domenic Landolf sur “Make Them Friends”. Adoptant une fois encore une trame brésilienne, “Arina” ajoute la clarinette de Max Treutner à celle de Landolf, ainsi qu’à la flûte de Brox. Plus apaisé, le mélodieux “A Step Further” reconduit le même line-up, et les anches d’Azat y démontrent tout ce qu’il a su assimiler du cool des trois G (Stan Getz, Jimmy Giuffre et Gerry Mulligan), tandis que les ivoires de Julia Perminova s’y taillent la part du lion à mesure qu’approche la coda. La samba “Talk To People” procure un ultime billet de sortie à la brillante Julia Perminova, qui en illumine le premier quart avant de céder le pas à la guitare de Silvan (dans une veine que n’aurait pas reniée Pat Metheny), au terme du chorus duquel Azat embraie au ténor sur un groove binaire, dont le tempo va crescendo jusqu’à l’explosion finale. Tant par l’éblouissante inventivité de ses thèmes et de leurs arrangements qu’au regard du brio de leur exécution, voici donc l’une des perles essentielles de la production jazz actuelle. Ajoutons que son artwork (une aquarelle rehaussée à la plume de Vitalia Zvereva) est du même niveau, et justifie à lui seul son acquisition au format LP. Great expectations, indeed!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, May 19th 2025

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