AWEK – AWEK

Autoproduction / Absilone
Blues
AWEK

Plus la peine de se raconter d’histoires: depuis que nous vivons, comme Bill Murray jadis, la sempiternelle répétition du Jour de la Marmotte, nous expérimentons une nouvelle forme de blues, dont nous n’entrevoyons plus la fin… Raison de plus pour en jouer, pardi!.. C’est sans doute ce que se sont dit nos Gascons favoris quand ils ont enregistré ces quinze titres, assemblés sur leur douzième album en plus d’un quart de siècle de carrière. Comme le clame la plage d’ouverture, “We Gonna Make It Through”: on va s’en sortir. Forcément, mais d’ici là, il va encore falloir s’accrocher, comme ils le concèdent sur “The Dream” et “I’m Staying Home”. “Bring It On” et “She’s All Mine” proposent quelques pistes pour y parvenir, et c’est l’occasion de noter que le Texas-shuffle qui établit leur marque de fabrique s’agrémente plus que jamais ces temps-ci d’un savoureux arôme laid-back, rejoignant en cela Benoît Blue Boy et Nico Duportal sur les rives louisianaises du bayou. Nos quatre mousquetaires de Awek n’ont peut-être jamais paru si détendus et spontanés en studio. Capté à Toulouse en deux sessions distinctes de quatre et trois jours, cet album mixé par Bernard Sellam en personne bénéficie en outre d’un remarquable mastering réalisé à Austin. Sur la trame du “One Way Out” de Rice Miller, l’harmoniciste expert Stéphane Bertolino se fend de l’instrumental “Smokin’ Mambo”, et il n’a peut-être jamais si bien sonné. Sellam persiste à délivrer des parties de guitare témoignant de sa culture étendue de l’idiome blues dans toutes ses acceptions électrifiées (ainsi de “The Healer”, avec sa slide façon Muddy Waters sur une trame proche de son “Got My Mojo Working”), tandis qu’en soutien de ces solistes hors-pairs, Joel Ferron et Olivier Trébel érigent le swing et le groove au rang des Beaux-Arts (pour vous en persuader, écoutez donc au hasard le tex-mex “I Like To Be Alone”, ou encore le jump instrumental “Beer O’Clock” et “Tell Me What’s The Reason”). Qu’ils reprennent Jimmy Rogers (“Goin’ Away Babe”), Charles Brown (ce “Black Night” qu’avaient déjà adapté Muddy Waters et le grand James Booker, et dont Awek restitue ici une version déchirante, avec un Bertolino étincelant au chromatique), Dave Bartolomew ‘”Gumbo Blues” ou Jimmy Mc Cracklin (“Just Got To Know”), nos cousins du pays d’Oc ne déméritent à aucun moment la réputation dont ils jouissent à l’échelon international. Humour de circonstance pour un groupe confiné: le verso de ce digipack les présente parodiant celui de l'”Ummagumma” de Pink-Floyd! Si vous connaissiez déjà Awek, voici donc une bonne nouvelle: alors qu’on ne leur en demandait pas tant, ils n’en continuent pas moins à s’améliorer encore. Et dans le cas contraire, un bon conseil: pour les découvrir à leur zénith, commencez donc par cet album-ci, un classique immédiat.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 1st 2021