Blues |
L’obsession récurrente de John Lennon pour le chiffre 9 était notoire. Comme les Doors de “L.A. Woman”, AWEK ne s’est pas contenté d’enregistrer ce nouvel album (leur neuvième, bien sûr) à quatre. Avec l’apport crucial des excellents Julien Brunetaud (claviers) et Zeb Heintz (guitares), ils s’y sont donc mis à six (“If Six Was Nine”?). Et si leurs trois précédents efforts avaient été captés aux States, celui-ci célèbre leur retour au terroir. Déconcertant d’emblée, “Pretty Little Liar” (introduit par les toms vaudou du grand Olivier Trebel) chasse sur les terres des Red Devils du regretté Lester Butler: réverbe à tous les étages, phasing sur les cordes, et le timbre d’ordinaire si débonnaire de Bernard Sellam exhalant ici une menace hantée… Second uppercut introductif, le swing-shuffle “Sunshine In My Bedroom” rappelle les riches heures des Bluesbreakers de Mayall (quand ceux-ci comptaient dans leurs rangs des tueurs tels que Jon Hiseman ou Ainsley Dunbar). Si “My Woman” recèle de faux airs du “Double Trouble” d’Otis Rush (soli successifs de Bertolino et de Brunetaud à tomber), “The Way You Dance” et “Open That Door” renouent avec la veine texane incrustée dans leur ADN. “Once Upon A Time” évoque (avec le déhanchement salace de rigueur) la mémoire du gigantesque Howlin’ Wolf. Bertolino en profite pour ressusciter à propos Little Walter (démarche développée ensuite sur son instrumental “Gaultier Rouge”), et Zeb Heintz (ex-Doo The Doo, les jeunes) la slide tranchante de Muddy Waters. La plage titulaire est un mambo-blues drivé de mains de maîtres par l’une des meilleures rythmiques sur le marché, et zébré d’un funky solo de Hammond B3, ainsi que de celui, incendiaire, de l’harmo. L’instrumental “Chainsaw Girl” évoque le Fleetwood Mac de Peter Green, tandis que “Oh Baby, Let’s Go For A Whirl” ranime le boogie façon John Lee Hooker. Peu importe qu’AWEK soit un groupe français: ils évoluent désormais en world-league, et cet album majeur est assurément leur plus abouti.
Paris-Move