AUTOMATIC CITY – Hum Drum

Wita Records / Baco Distribution
Psycho-rhythm n' blues
AUTOMATIC CITY - Hum Drum

Vers la fin des années 70, Keith Richards (qui sait en général de quoi il retourne) énonçait à propos des Flamin’ Groovies: “ces mecs sont constamment tournés vers le passé: dans les années 60, ils tentaient de recréer le son des fifties et à présent, ils ne jurent plus que par les sixties. Où en seront-ils dans dix ans? À aujourd’hui?”. Les mêmes commentaires pourraient presque s’appliquer à nos Automatic City rhodaniens, à ceci près que (comme les Groovies), ils les recevraient sans doute comme un compliment. Après trois albums au fil desquels ils ont alternativement abordé les rivages du blues urbain, du rock n’ roll vintage et de l’exotica, ils assaisonnent désormais ces éléments à la mode psychédélique. Dès le “Lament” d’ouverture, on se croirait en présence du score d’une obscure série B de Roger Corman en ’68. Le genre d’incunable que l’on ne trouve plus de nos jours que sur ces compilations “pop-corn-exotica” que certains maniaques s’arrachent à des prix inconcevables pour le commun des mortels. Mêlant fuzz, bongos et vocals soul (comme si Daft Punk s’était lancé pour son baroud d’honneur dans un ultime album rétro), cet artefact se prolonge dans la même veine avec “No Dice”: de la réverbe comme s’il en pleuvait, et des soli de sitar électrique comme on n’en avait plus ouï depuis le “Do It Again” de Steely Dan. Sur un gnawa beat, la plage titulaire pousse le narguilé quelques dunes plus loin, avec des mélopées dignes de Tinariwen et de la slide triturée à la wah-wah. L’hérésie iconoclaste franchit plusieurs paliers encore avec leur relecture acid jungle du “Downbound Train” qui ornait le “After School Session” de papy Chuck Berry (dont ils avaient déjà adapté “Havana Moon” par le passé), Hammond B3 furieux à la clé, tandis que leur cover du “Move Your Hand” d’un autre sorcier de cet instrument (Lonnie Smith) évoque la rencontre torride de Tito Puente et André Williams sur la B.O. d’un snuff movie. On reste dans le registre cinématographique avec la reprise du “Get Carter” de Roy Budd (film de Mike Hodges, avec Michael Caine et Britt Ekland en 1971), avant celle du “If There’s A Hell Below We’re All Going To Go” que Curtis Mayfield composa pour “Superfly”, et le conclusif “Wandering Soul”, blues hanté revampé façon ghanéenne. Tandis que maints musicologues anesthésient leurs auditoires d’exposés lénifiants, Automatic City se cantonne pour sa part à la démonstration par pratique. On a rarement entendu prosélytes plus jubilatoires et œcuméniques!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, May 18th 2023

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