Rock 'n roll |
Moi j’irai revoir encore et encore La Blonde Et Moi, même si j’ai tort, de passer pour un dépassé, accroché à un vieux ciné qui m’éclate encore… Happy Birthday Rock’n’Roll! Hé oui, cette année, nous fêtons le 50ème anniversaire du premier album du groupe mythique d’un certain rock parodique, fantasque et pastiche, aux textes potaches et rafraîchissants: roulement de tambour du garde champêtre de Paris-Move… j’ai nommé… Au Bonheur Des Dames! 50 ans déjà, et malgré les années passées, les décennies écoulées, Hélène, Monique, Karine et ses beaux yeux étonnés, n’ont pas pris une ride et sont toujours aussi glamours, comme en 1973 lorsqu’elles allaient twister le blues frénétiquement au Golf Drouot, sur du Richard Anthony, robes Vichy 60’s, Lucky Strike aux lèvres et flexibilité à toute épreuve des membres inférieurs. Pour fêter dignement cet anniversaire de la façon la plus rock’n’roll possible, outre les 50 bougies sur le cheesecake à la rhubarbe, les langues de belle-mère et de chat, les chapeaux pointus, les hectolitres de Veuve Clicquot, et le Best Of de La Compagnie Créole, la FNAC a eu l’ingénieuse idée de rééditer “Twist” en exclusivité mondiale et en vinyle rose, rose comme la Cadillac Eldorado Biarritz de 1957 d’Elvis Presley ou les Malabar des pin-up des Grands Boulevards et du Café d’Angleterre, qui s’aventuraient parfois jusqu’à l’Olympia et les puces de Saint-Ouen. Car sans vouloir se voiler la face ni se mettre des boules Quies dans le conduit auditif, il faut bien l’admettre avec véhémence et l’aplomb insolent d’un jeune banquier aux dents longues à rayer le parquet de chez Rothschild, Twist, du groupe Au Bonheur Des Dames, est un album qui est devenu culte au fil des ans. Incontestablement, il s’impose comme l’un des grands chefs-d’œuvre du rock’n’roll français, toutes époques confondues et tous styles de rock’n’roll mélangés, que tout teenager qui se respecte devrait posséder ou acquérir d’urgence dans sa version vinyle rose, même si 50 ans plus tard, le twist est devenu légèrement plus difficile et que parfois, la prothèse de hanche ou la rotule en titane grincent un peu vers les aigus et nécessitent une burette d’huile à proximité pour dégripper le mécanisme. Car derrière les strass et les paillettes, le grimage excentrique que n’auraient pas renié Nina Hagen ou Geneviève de Fontenay, le Mascara, le Blush et les faux-cils, le lipstick avant-gardiste à la Robert Smith, les nez rouges à la Achille Zavatta et le grand Barnum, la folie communicative à la Jango Edwards, derrière tout ce méli-mélo se cachaient de véritables et excellents musiciens, des interprètes aguerris, des artistes brillants et d’authentiques passionnés du rock’n’roll des 50’s et du twist des 60’s. A la manière de Sha Na Na, Flash Cadillac & The Continental Kids, Albert et sa Fanfare “La Malédiction Des Rockers”, Flamin’ Groovies, Roxy Music ou encore Les Chacals de Béthune… en pleine période rock’n’roll revival, Au Bonheur Des Dames a débarqué sans crier gare sur les ondes hertziennes, au Hit-Parade de RTL d’André Torrent et dans la petite lucarne chez Guy Lux et Sophie Darel, avec “Oh ! Les Filles”, pour mettre un grand coup de pied dans la fourmilière d’un certain ronronnement quotidien, d’une France quelque peu assoupie après le raz-de-marée et la déferlante du rock’n’twist du début des années 60, des Johnny Hallyday, Chaussettes Noires et autres Chats Sauvages… D’ailleurs, Dick Rivers, le matou en chef, de chair et de rock, avait très vite perçu le phénomène sous-jacent qu’allait devenir cette bande de joyeux drilles au look vintage et l’immense culture rock’n’rollesque qui collait aux pompes bicolores du style souteneurs de Pigalle et autres maquignons de Ménilmontant, du groupe Au Bonheur Des Dames, en les choisissant en première partie de son Olympia du 9 mai 1972, bien avant la sortie de Twist. Une fois de plus, comme pour Gérard Manset, Alain Bashung et Coluche pour l’Olympia 73, Dick avait eu du pif et avait fait preuve d’une incroyable sagacité. Ces mecs ont cassé la baraque avec des blazes impossibles et insolubles sortis de nulle part, ou plutôt d’une autre galaxie et avec des tronches patibulaires sorties tout droit d’un vieux Fluide Glacial ou d’un Métal Hurlant de Jean-Pierre Dionnet. Des gueules et des coiffures gominées et bananées à la Lucien de Frank Margerin, à jouer au flipper dans un troquet de banlieue d’un autre temps où le Commissaire Maigret de Simenon aurait pu y entrer pour boire sa Kronenbourg, avec le “Only You” des Platters que crache un vieux jukebox Wurlitzer un tantinet poussif et fatigué et un look rétro poussé dans ses derniers retranchements, à jouer les premiers rôles dans American Graffiti de George Lucas, dans la série Happy Days (Les Jours Heureux), dans The Girl Can’t Help It (La Blonde Et Moi) avec Jayne Mansfield, Julie London, Little Richard, Eddie Cochran… dans Rock, Rock, Rock! de 1956 avec Alan Freed, Chuck Berry, Johnny Burnette Trio… dans la comédie musicale rock’n’roll Ginette Lacaze (chronique des mœurs chantée) avec Coluche, Balasko, Lanvin, Lamotte… ou encore dans Elle Court, Elle Court La Banlieue, film de Gérard Pirès de 1973, sur la vie des banlieusards à l’époque où les rappeurs n’avaient pas encore remplacé les rockeurs, avec Marthe Keller, Victor Lanoux et Jacques Higelin… Avec les Au Bonheur Des Dames et leur opus Twist, on était aux antipodes du roman d’Emile Zola de 1883 du même nom, qui mettait en exergue les mœurs du Second Empire, mais bel et bien avec une bande de comparses avec le rock’n’roll attitude en ligne de mire, une association de bienfaiteurs qui commençaient à défier et à narguer toute la maréchaussée de France et de Navarre, les fins limiers du 36 Quai des Orfèvres, l’Elysée, Matignon, les pseudos-intellos, les conformistes, les bien-pensants, les conventionnels, les frileux, les pisse-froid, les béotiens, les rudimentaires, les neurasthéniques, les adeptes des robinets d’eau tiède… en maniant avec esthétisme et élégance, l’humour juvénile et de bon aloi, le burlesque, le glam-rock avec une certaine orthodoxie du rock’n’twist, une liberté d’expression sans borne et une originalité artistique révolutionnaire pour l’époque. Respecter les pionniers du rock’n’roll, le jouer sérieusement musicalement parlant, sans se prendre une seule seconde au sérieux. L’art d’un funambule en équilibre sur un fil, entre deux tours de La Défense un jour de grand vent…
Assister à l’un de leurs concerts, c’était comme aller au théâtre, comme assister à une comédie caricaturale du style bouffons de Louis XIII, ou l’opéra bouffe avec les œuvres de Molière ou John Gay. En 73, le line-up du groupe Au Bonheur Des Dames, la crème de la crème, le nec plus ultra, la dream team, se compose de: Chanteurs: Vincent Lamy, plus connu sous le sobriquet de Eddick Ritchell, un génial condensé entre Eddy Mitchell et Dick Rivers. Son groupe aurait même pu s’appeler Les Chaussettes Sauvages ou Les Chats Noirs! L’âme damnée de la bande, l’imprésario véreux… Plus sérieusement, la figure de proue du groupe, le maître à penser, le chef étoilé. Merci à Vincent Lamy d’avoir présenté de 82 à 83 l’émission hebdomadaire rock L’Echo des Bananes sur FR3. Pour moi, c’était le rendez-vous incontournable du dimanche soir, bien plus que l’insupportable et ennuyeuse grand-messe du samedi soir de Maritie et Gilbert Carpentier, une sorte de mafia dans le système nauséabond du showbiz, qui promouvait toujours les mêmes artistes qui, pour certains, semblaient avoir aux Buttes-Chaumont leur rond de serviette, leurs charentaises, leur brosse à dents et leur tube d’Ultra Brite et leur lit Picot. Sharon Glory et Jimmy Freud. Guitaristes: l’excellentissime guitariste/ auteur/ compositeur monsieur Ramon Pipin (Alain Ranval), le ciment du gang, qui bien qu’Au Bonheur Des Dames ne soit pas l’armée mexicaine où règne la chienlit la plus indescriptible et qu’aucun pacte faustien n’ait été signé par le sang des protagonistes, après quelques divergences, s’en ira former le groupe Odeurs, avant de revenir au bercail. Chick Béru, Shitty Télaouine (basse), et le regretté Jacques Pradel (Rita Brantalou) basse et guitare, hélas décédé en 2021. Attention, Jacques Pradel, pas le mec de l’émission Perdu de Vue, avec ses yeux de cocker abandonné par son paltoquet de maître sur la route du Lavandou au mois d’août. Cuivres: le regretté Gépetto Ben Glabros (Pierre Rigaud), décédé en 2017 et Ulric Danone. Batterie: le regretté Hubert de la Motte Fifrée, décédé en 2003. Décidément, si ça continue, ma chronique va hélas ressembler à un registre des avis de décès non-exhaustif, délivrée par un employé des pompes funèbres générales. Qu’ils reposent en paix et cette réédition en vinyle rose de Twist est aussi en leur hommage. Sans oublier Wolfgang Lion au piano et les Glamour Sisters aux chœurs. Voilà, j’espère n’avoir oublié personne…
10 titres composent l’album, 10 pépites incontournables, comme par exemple l’excellentissime “Mache de la Gomme” signé Ramon Pipin, le très Rolling Stones “Ego-Dames”, une sorte de profession de foi du groupe du toujours très prolifique Pipin. Ziggy et Roxy, ça ne vaut pas Jerry Lee et ce bon vieil Alice, n’est rien auprès d’Elvis! “Yakety-Yak” des Coasters de 1958 avec une adaptation française d’Eddick Ritchell. Une remarquable reprise du fameux “Twist à Saint-Tropez” des Chats Sauvages avec Dick Rivers. Vadim et Brigitte, Sacha nous quittent, un jour ils seront de retour… L’instrumental “Ramses”, façon “Apache” des Shadows de Hank Marvin et Bruce Welch. Un titre instrumental qui deviendra la carte de visite du groupe, comme “Pow-Wow” ou “Dynarock” de Bijou, ou “Sortie de Garage” de La Souris Déglinguée. Le remarquable et accrocheur “Des Mégalos Pour Mes Galas”. Et cerise sur le gâteau, le tube obsessionnel et abyssal “Oh! Les Filles”, titre des Pingouins de 1962, avec des paroles françaises d’Eddie Vartan. J’aimerai toute ma vie Kaaaarrrriiiinnnneeee!!! Avec le phrasé et la gouaille des premiers rockeurs français des 50’s, des Vian, Magali Noël, Moustache ou Mac-Kac. Pour la petite histoire, Dominique Blanc-Francard qui a assuré magnifiquement la prise de son de Twist au Château d’Hérouville, était le bassiste des Pingouins, quant à Thierry Vincent, qui a superbement réalisé l’album, il en était le chanteur. La boucle est bouclée. Twist aurait pu, aurait dû faire les beaux jours d’émissions comme Rock en Stock de Pierre Lattès ou hanter le Pop-Club de José Arthur sur France-Inter. Hélas, hélas, hélas, Au Bonheur Des Dames a décidé de tirer sa révérence et de faire ses adieux au music-hall et au rock’n’roll en donnant un ultime concert le samedi 10 juin 2023 à Lavaur (Tarn), lors du 15ème festival blues, rockabilly et rock’n’roll, avec également à l’affiche: Little Bob Blues Bastards, Dr Feelgood, etc… Malheureusement, ce sont de véritables adieux, pas des adieux avec come-back à répétitions comme Les Compagnons de la Chanson ou Eddy Mitchell, non, il s’agit réellement du chant du cygne, de la dernière surprise-partie, du dernier rock’n’roll. Le groupe va ranger ses facéties clownesques dans la malle des souvenirs et des vestiges du passé. Ils vont beaucoup nous manquer, d’ailleurs, ils nous manquent déjà, comme un livre que l’on referme, comme une histoire inachevée, sans épilogue. Au Bonheur Des Dames, c’était quand même un chouette groupe qui faisait partie du patrimoine rock français. Heureusement, il nous reste la réédition en vinyle rose de Twist pour nous consoler, pour soigner notre peine et guérir notre spleen, un album magique et légendaire qui n’a pas pris une seule ride. D’ailleurs, le magazine Rolling Stones le classe parmi les meilleurs albums de rock français et l’incontournable Philippe Manœuvre en parle dans son bouquin Rock Français, de Johnny à B.B. Brunes, 123 albums essentiels. Un disque à ranger entre Gomina, la 1ère comédie rock de 1974, et Rock’N’Roll Star de Dick Rivers. INDISPENSABLE…! Place aux jeunes… Costric 1er, le Président du fan-club ABDD, est inconsolable, quant à moi, je suis d’humeur maussade, j’ai les guiboles aux abonnées absentes et j’ai le cœur gros. Je vais malgré tout essayer de rejoindre mon jardin d’Eden et naviguer à vue en écoutant en boucle “L’Ile Du Bonheur”… Eh ben alors, mais qui c’est qui a dit de s’arrêter ?
Serge SCIBOZ
Paris-Move
PARIS-MOVE, May 29th 2023
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Eddick Ritchell: