| Jazz |
Gilad Atzmon est un compositeur et instrumentiste britannique de jazz vivant actuellement en Grèce. Né en Israël en 1963, il a suivi une formation à la Rubin Academy of Music de Jérusalem. Il joue du saxophone, de la clarinette et d’instruments à vent traditionnels, et en tant que membre des Blockheads, il s’est produit et a enregistré avec Ian Dury, ainsi qu’avec Robbie Williams, Sinead O’Connor et Paul McCartney. Il a également collaboré avec Robert Wyatt et Steve Howe, et a joué en 2014 avec Pink Floyd (il figure notamment sur leur ultime album, “The Endless River”). En 2000, il a fondé à Londres l’Orient House Ensemble, entreprenant ainsi de renouer avec ses racines. Leur album “Exile” (avec Dhafer Youssef et Reem Kelani) fut élu Album Jazz de l’année par la BBC en 2003. Chef d’orchestre et corniste, il se distingue par son style personnel et puissant, alliant bebop et racines moyen-orientales avec une sophistication parfois teintée d’ironie. Influencées par l’engagement puissant d’un John Coltrane, ses performances sont souvent spectaculaires et bouleversantes. Au sein de ce nouveau quatuor, il revient au jazz, tout en continuant à s’inspirer des musiques du Moyen-Orient, et s’allie pour l’occasion au contrebassiste ukrainien Taras Volos, au batteur virtuose slovaque Dušan Černák et au jeune pianiste tchèque Daniel Bulatkin. À seulement 25 ans, ce dernier s’est imposé comme une figure ascendante de la scène jazz européenne. Il a en effet déjà collaboré avec Seamus Blake, Gary Husband, Conor Chaplin, David Friedman et Ulf Wakenius (entre autres), et remporté en 2024 le prix de la meilleure composition jazz tchèque. Après ses propres “Drifter Days” et “The New Beginning”, ce nouveau projet marque une étape importante dans son évolution artistique. Plage la plus étendue de ce recueil, l’éthéré “The First Day Of The Year” pose d’emblée les bases du dialogue entre les deux solistes: Atzmon expose le thème, sur lequel Bulatkin ne tarde pas à prendre son envol au fil d’un improvisation aussi maîtrisée qu’empreinte d’une virtuose spontanéité. En retrait mais d’un soutien infaillible, la section rythmique épaule le sax de Gilad qui s’exprime d’abord dans une veine cool, où ne tarde toutefois pas à poindre son héritage bop. Signé Bulatkin, “Early Blues (Listen To)” débute sur un solo de contrebasse, d’où émerge un thème exécuté au sax, suivi d’un long chorus de piano au développement progressif, au fil duquel Daniel démontre toute la palette de son inspiration. L’alto de Gilad reprend la main sur la coda, pour conclure cette composition dans l’esprit majestueux du Coltrane de “Ballads”. Nos amis choisissent de sonner la mi-temps sur une surprenante reprise du standard “My Old Flame” d’Arthur Johnston et Sam Coslow, temps de pause où ils célèbrent une tradition avec laquelle ils ne se revendiquent donc pas en rupture. Signée Taras Volos, la plage titulaire entend par-contre valoriser le patrimoine moyen-oriental d’Atzmon, sa clarinette y prenant de languides accents séfarades sur l’intro, avant que ses comparses ne l’entraînent en une sarabande ternaire où le clavier de Bulatkin prend les accents d’un McCoy Tyner. L’alto y répond par des choruses coltraniens en diable, au terme desquels les ivoires se déchaînent sur la mer démontée que lui opposent les rythmiciens. Le mélancolique “Autumn In Baghdad” (de Gilad) est à nouveau prétexte à de splendides échappées de cuivre et de subtils choruses de piano, d’un lyrisme contenu. Un disque qui confirme, si besoin était, que l’héritage coltranien se perpétue encore sur notre vieux continent, pour le meilleur s’entend.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, August 13th 2025
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