Blues, gloubi-boulga |
Autant le concéder, j’ai un problème avec Archie Lee Hooker. Oh, rien de personnel, puisque ce patriarche débonnaire semble au demeurant tout aussi sympathique qu’inoffensif, mais justement… Comme me le narra un jour Gérard Herzhaft, quand B.B. King, Howlin’ Wolf ou Muddy Waters fendaient leur auditoire pour se rendre sur scène dans les clubs de Memphis ou Chicago, le silence se faisait sur le champ. Avant même que ces Maîtres n’aient prononcé une parole ou joué la moindre note, leur présence de Menschs forçait le respect. Et tout bègue, gauche et timide que se soit avéré John Lee Hooker à ses débuts, ce type l’avait, ce qu’Ella avait aussi (pour paraphraser Michael Shepherd). Et on dira ce qu’on voudra, mais de Little Freddie King aux héritiers respectifs de Muddy Waters et Luther Allison, cette magie (ce hoodoo) et cette inspirée détermination ne sont pas plus transmissibles par l’ADN que le génie et la classe ne le sont non plus (demandez donc à la famille royale britannique). Attendre que le monarque ait passé l’arme à gauche pour s’affubler de sa défroque n’abuse en définitive que les gogos dont profitent les usurpateurs. S’être approprié le nom du dernier groupe de scène du Boogie Man (sans que la formation homonyme n’en compte le moindre membre) n’aboutit qu’à confirmer ce soupçon… Ces préventions ne doivent toutefois pas nous empêcher d’écouter ce nouvel album du neveu en question (son sixième, si nos comptes sont exacts). Hélas, dès les plages d’ouverture (saxophone grotesquement délirant, batterie et basse funky poussées en avant, orgue Hammond d’une expansivité digne de Charlie Oleg, soli de guitare d’une faconde hors-sujet, façon Panthera et consorts – patrimoine hard-rock dont est effectivement féru le Brésilien Fred Barreto – et même un solo de melodica!), on se prend à se demander ce qui pourrait réellement passer pour authentique dans ce salmigondis… Plus que jamais, le plateau ici proposé traduit ses intentions foncières: capitaliser sur l’alibi pseudo-folklorique que lui procure un vétéran aux pourtant bien minces états de service, pour refourguer aux badauds ébahis un funk-heavy-rock-blues tendance baloche, aussi approximatif que d’une consternante banalité (et ce n’est pas la guest appearance de Bernard Allison sur un titre qui en édulcorera le fumet). Quoi que l’on puisse prétendre, Archie Lee Hooker ne sera jamais le légataire artistique de son oncle, et plutôt que de “perpétuer sa mémoire”, ce prête-nom ne parvient ici qu’à la galvauder. Plus que jamais, méfiez vous des contrefaçons: un disque sans queue ni tête…
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, March 18th 2021
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S’il y a une chose qui ne doit pas être facile à porter, c’est bien le nom de famille de Lee Hooker! Et c’est pourtant le cas de Archie, un neveu, ou même celui de John Lee Hooker Jr, le fils de l’artiste. Tous deux musiciens. Il est certain que leur parcours ne peut qu’être semé d’embûches parce qu’on les attend évidemment au tournant, comme on dit. Je dois avouer que le fiston s’en est bien sorti puisqu’il est passé du côté de Deuil La Barre (95), il y a quelques années et qu’il s’agissait d’un véritable incendie tellement c’était génial. Il a d’ailleurs enregistré un Live In Istanbul, en 2010, un peu dans l’esprit de cette soirée valdoisienne mémorable arrosée de champagne. Le neveu, Archie, a lui, suivi un chemin bien sinueux. Toujours est-il qu’il nous propose aujourd’hui son septième opus. Il joue depuis 2012 avec la même formation, The Coast to Coast Blues Band. Fred Barreto est à la guitare et au chant, Matt Santos aux claviers, Hammond et Rhodes et harmonica et Mélodica, Nicolas Fageot à la basse et à la contrebasse, Yves “Deville” Ditsch à la batterie et aux percussions, dans les chœurs et à la programmation. Avec quelques invités… au nombre de 13. Tous les 12 titres ont été composés par le groupe. Quelques “imperfections” parsèment cependant la galette au contenu légèrement inégal. De très bons titres comme Long Gone, It’s a Jungle Out There (très soul), Blinded by Love, Nightmare Blues, Give it with a Smile… mais d’autres plus sirupeux, comme Living in a Memory, Sorry Baby, dont les arrangements manquent de puissance, de fraîcheur et d’originalité. Je vous laisse découvrir les quelques titres que j’ai omis de citer en vous laisssant vous faire votre propre opinion sur cette galette. En mettant un peu de côté cet album qui décevra beaucoup d’amateurs de blues, soulignons toutefois que nous voilà revenus à la grande époque de Dixiefrog où les belles nouveautés étaient légions!
Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)
PARIS-MOVE, March 22nd 2021
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Site web de ARCHIE LEE HOOKER & THE COAST TO COAST BLUES BAND: ICI