ANTI RUBBER BRAIN FACTORY – Reinas De Mediterraneo – Grèce Vol. 1

Le Fondeur De Sons
World Music

À la fois libératrice et libertaire, la démarche du contrebassiste Yoram Rosilio s’inscrit dans le prolongement du travail de pionniers tels que Charlie Mingus, Sun Ra, Anthony Braxton, Ornette Coleman et Eric Dolphy, mais aussi du Gong de Daevid Allen, de Soft Machine et d’autres cintrés tels que Taraf de Haïdouks et le Hadouk de Didier Malherbe. C’est dire si le consommateur coutumier de sons plus formatés n’y retrouvera guère ses petits! Poursuivant son inventaire des musiques vernaculaires du pourtour méditerranéen, ANTI RUBBER BRAIN FACTORY s’attaque à présent au Rébétiko. Si le Sirtaki (émanation pseudo-folklorique la plus connue du grand public) ne fut qu’une habile construction, initialement destinée à promouvoir le film “Zorba le Grec”, le Rébétiko s’avéra, au cours d’une majeure partie du vingtième siècle, l’authentique expression “underground” de la Grèce populaire sous le régime oppressif des généraux. Musiques rhizomatiques, empruntant à l’héritage musical d’Istanbul et de Smyrne, ainsi qu’à celui des îles grecques et des musiques continentales, mais s’abreuvant également aux musiques indiennes et latino-américaines, les rébétika connurent un développement foisonnant tout au long du XXème siècle. Et ce, majoritairement depuis le port du Pirée (dans la banlieue pauvre et désaffectée d’Athènes), conséquence de la rencontre, dans les années 1920, des réfugiés d’Asie mineure et des émigrés de la Grèce des îles et du continent, tous venus y chercher une vie meilleure que celle des campagnes arides dont ils étaient issus. L’orientalité des uns et la pauvreté des autres eurent vite fait de les exclure des mœurs grecques du continent comme de la bonne société locale, soucieuse de se conformer au modèle d’un Occident fantasmé. Des chansons faisant l’apologie du mode de vie”rébet”, basé sur l’honneur, un mélange de bonté et de malice, et célébrant la culture du haschisch, suscitèrent alors une polémique nationale. Sous la dictature de Métaxas (années 1930), certains rebétika furent ainsi interdits de diffusion à la radio, et les rébets firent l’objet de persécutions. Nombre de tékkés (cafés interlopes où l’on pouvait se produire et fumer le narguilé) furent ainsi vandalisés. Avec pour instruments de prédilection le bouzouki, la clarinette et le sax alto, cette musique ne pouvait que se prêter à la relecture mi-dévôte, mi-iconoclaste, du gang Rosilio. Capté live en novembre 2015 à Arcueil, ce premier volume intitulé “Reinas De Mediterraneo – Grèce Vol. 1” en annonce donc un probable second. Recommandé aux tympans libres et curieux!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

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