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Il existe un proverbe français qui dit: «La valeur n’attend pas le nombre des années». Une formule qui s’applique parfaitement à Anthony D’Alessandro, pianiste et compositeur dont le jeu dégage la maturité et la profondeur d’un artiste deux fois plus âgé. Dès les premières notes de son nouvel album City Lights, il accomplit un exploit rare: capturer à la fois le langage intemporel du jazz et l’énergie du moment présent. Rien n’est laissé au hasard. Ses lignes mélodiques, à la fois tendues et lyriques, et ses arrangements, d’une précision ciselée, révèlent un musicien qui écoute autant qu’il joue.
Originaire de Toronto, D’Alessandro s’impose rapidement comme l’une des voix les plus prometteuses du jazz canadien. Le magazine WholeNote a salué son «sens inné du swing et du groove» ainsi que sa «technique étincelante», des qualités qui lui ont permis de franchir les frontières et de s’affirmer sur la scène internationale. Après le succès critique de son premier album Searchin’ en 2024, D’Alessandro a passé l’année suivante à tourner au Canada, aux États-Unis, en Amérique du Sud et en Europe, un parcours qui a élargi son public autant qu’il a affiné son art.
Avec City Lights, son deuxième opus, le pianiste confirme sa maturité de compositeur tout en illustrant la vitalité d’une nouvelle génération de musiciens de jazz canadiens qui s’imposent à l’échelle mondiale. L’album réunit un sextet remarquable: la trompettiste Summer Camargo, plus jeune membre du groupe de l’émission Saturday Night Live; le saxophoniste ténor Jacob Chung, talent canadien désormais basé à New York; le bassiste Jonathan Chapman et le batteur Ernesto Cervini, lauréat d’un prix JUNO, dont le jeu sensible et maîtrisé donne toute sa cohérence au projet. La chanteuse Jennarie apporte une touche de profondeur et d’émotion sur «Oversight», une ballade poignante coécrite avec D’Alessandro, qui met en lumière son sens de la mélodie et de la nuance.
La cohésion de l’album constitue sans doute sa plus grande réussite. Obtenir une sonorité d’ensemble véritablement unifiée, qui conjugue précision et spontanéité, reste un défi pour tout ensemble de jazz moderne. Pourtant, City Lights se déploie avec la fluidité d’une conversation entre égaux. Le jeu de Cervini, notamment, impressionne : sa frappe allie l’élégance d’un percussionniste à l’instinct sûr d’un vétéran. Chaque musicien semble indispensable, animé d’un même esprit collectif plutôt que de démonstration individuelle. Le résultat est un enregistrement aussi réfléchi que vibrant.
À travers sept compositions originales, D’Alessandro se révèle comme un compositeur inventif, au swing naturel, refusant de se laisser enfermer dans les conventions. On y décèle des touches de lyrisme cinématographique, la sophistication harmonique du *Great American Songbook*, mais aussi des influences issues du funk et du post-bop. Le morceau «Overnight», par exemple, dégage une beauté subtile : d’apparence simple, il recèle une grande finesse rythmique et harmonique. D’Alessandro ne cherche pas à impressionner par la virtuosité ou les effets spectaculaires. Son art repose sur l’équilibre, sur cette confiance tranquille d’un musicien en quête de vérité plus que d’effet. On l’imagine aisément partager la scène avec Dexter Gordon, un artiste dont il semble proche par ce même respect de l’histoire du jazz allié à une volonté de rester résolument moderne.
Il y a aussi, dans le jeu de D’Alessandro, quelque chose d’éminemment torontois. La scène jazz de Toronto, cosmopolite, curieuse, nourrie par la diversité culturelle, a toujours favorisé les artistes capables de naviguer entre tradition et innovation. En ce sens, City Lights apparaît comme un miroir fidèle de son environnement: enraciné dans le passé, fluide dans le présent et tourné vers l’avenir.
Ce qui rend City Lights si captivant, c’est surtout sa chaleur humaine. Derrière sa rigueur technique et son ambition de compositeur, l’album rayonne d’une joie communicative. La musique swingue, respire, sourit même. Elle invite l’auditeur non seulement à écouter, mais à partager son plaisir et son étonnement. Et, à la dernière note, on ne peut s’empêcher de penser: quel pianiste, quel compositeur! Anthony D’Alessandro incarne sans doute l’excès et la générosité, mais derrière chaque nuance se cachent des années de travail, d’écoute et d’amour pour la musique.
Son œuvre nous rappelle que, dans le jazz comme dans la vie, la véritable grandeur ne vient pas de l’âge, mais de la sincérité.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, October 23rd 2025
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Musicians :
Anthony D’Alessandro – piano
Summer Camargo – trumpet
Jacob Chung – tenor saxophone
Jonathan Chapman – acoustic bass
Ernesto Cervini – drums
Jennarie – vocals (track 6)
Track Listing :
Four Minute Miles
Staying The Course
Scared Ground
City Lights
The Line Up
Oversight
Green Sauce
Charleston
Harlem Strut
All compositions by Anthony D’Alessandro unless otherwise notated.
Engineered, mixed, and mastered by Jeff ‘Fedge’ Elliot.
Recorded at Union Sound Studios on May 6, 2025.
Album design by Tilda Hedwig.
Photography by Rebecca Schmal and Max Power.
Copyright © 2025 Anthony D’Alessandro Music.
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Made in Canada