ANDREW HAWKEY – Long Story Short

Mole Lodge Records
Americana
ANDREW HAWKEY - Long Story Short

Depuis le Matching Mole de Robert Wyatt (par delà le jeu de mots franglais sous-jacent), on reconnaît la taupe, cet animal souterrain, pour symbole commode de toute expression underground. Le nom du label sur lequel sort ce disque n’en paraît donc que plus indiqué, puisqu’il s’agit ni plus ni moins de la seconde production en cinq ans d’un artiste de 77 ans! Par considération pour son titre, proposons un bref résumé du parcours du bonhomme. Né en 1942 sur une ferme des Cornouailles, Andrew Hawkey fut balloté et meurtri par le divorce de ses parents. Déscolarisé dès ses quinze printemps, il commença par exercer divers jobs dans le sud du Pays-de-Galles avant de migrer à Londres au début des swinging sixties (qu’il prétend avoir vécues à fond). Suivant la tendance au retour à la terre post-68, on le retrouve ensuite de nouveau en terre Galloise, où il se décide enfin à reprendre des études. À l’université de Lampeter (dont il s’avère l’un des étudiants les plus âgés), il développe surtout quelques talents de guitariste et songwriter, qu’il ne tarde pas à exercer dans les clubs et festivals locaux. Il investit ensuite avec un associé dans un petit studio d’enregistrement, débouchant sur la création d’un modeste label indépendant, SoSo. Tout en s’y consacrant au début des eighties, Andrew Hawkey continue de se produire, aux claviers et à l’harmonica, au sein de formations notoirement inconnues (les bien nommés Kelvin & The Absolute Zeros et Pat Grover’s Blue Zeros!). Cet aimable train-train l’amène tout de même à aligner mille prestations en une vingtaine d’années (incluant notamment l’accompagnement d’artistes tels que Todd Sharpville, Johnny Mars et Helen Watson), et à s’improviser programmateur au sein du fameux roots club situé au Talbot Hotel de Tregaron, où se produisent des pointures telles qu’Albert Lee, Gary U.S. Bonds, Chip Taylor ou les Holmes Brothers. Homme de l’ombre et des coulisses, Andrew, qui n’avait jusqu’alors réalisé qu’une simple cassette de son propre travail (“Halfway Alone” en 82) et un confidentiel EP vinyl six titres (l’année suivante), se piqua en 2015 de publier un premier véritable album, à l’âge où nous autres froggies envisageons plutôt la retraite. Ce fut “What Did I Come Here For ?”, qui lui valut un chaleureux accueil critique, ainsi qu’une jolie rotation sur les ondes. Enregistré de mai à octobre derniers dans son bled actuel des environs de Powys (Wales), ce second essai, co-produit par Hawkey et le jeune multi-instrumentiste Clovis Phillips (membre de Jeb Loy Nichols & The Westwood All-Stars, et collaborateur de nombreux roots artists américains, tels que la star du zydeco Corey Ledet, ou encore Wayne Martin et la grande Gail Davies), propose huit originaux et deux reprises. Loin de s’avérer l’œuvre d’un vieillard sur le déclin, ce disque propose la vision introspective d’un homme auquel la vie a apporté un lot d’alluvions suffisant pour pouvoir en tirer quelques pépites. C’est le cas des touchantes “Golden Heart (On A Rusty Chain)” et “Dear Friend”, ainsi que des reprises de “The Believer” de Bob Carpenter et “You Knew” de Zoe Spencer, qui semblent toutes s’adresser à des amis et amantes effectifs. Les transcendants “Painter” et “Spirit” élèvent encore le débat, confinant à la sagesse populaire du Cat Stevens de “Tea For The Tillerman” et du Jim Croce de “Photographs And Memories”. Le sentiment croissant de sa propre mortalité le mène à implorer “A Little More” surplus d’existence, le temps de régler ce qu’il a pu y laisser en suspens (requête qu’il étend d’ailleurs à l’humanité entière, en ces temps de questionnement de nos choix écologiques et sociétaux). “Jones On Me” vient à point nommé détendre l’atmosphère, avec ses lyrics égrillards livrés sur un moelleux tapis southern soul que n’auraient sans doute pas renié ces vieux briscards d’Eddie Hinton et Leon Russell. L’occasion pour Andrew d’y démontrer ses capacités sur le Hammond B3, et pour Clovis Phillips d’y prendre un bref solo réminiscent de Steve Cropper. Autant chanté que parlé, l’aérien “Stony Land” évoque pour sa part la majesté des “American Recordings” qu’avait produits Rick Rubin pour Johnny Cash voici vingt ans déjà. Andrew Hawkey conclut ce beau disque philosophique en s’accompagnant au piano sur la plage titulaire. Comme disait l’autre, “it was worth the wait”.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 31st 2020

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Site internet de ANDREW HAWKEY: ICI