ANDRÉ BISSON – The Ballad Of Lucy Stone

Autoproduction
Blues, Rhythm 'n' Blues
ANDRÉ BISSON

Avec pareil état civil, un bluesman ne peut s’avérer que Français, Louisianais ou Canadien. Pour André Bisson, c’est la troisième option qui s’impose: natif de Bruce Mines, bourgade du nord de l’Ontario, il vit désormais à Hamilton, métropole sur les berges du lac de cette même Province. Il dédie son neuvième album en treize ans de carrière discographique à une pionnière américaine de l’activisme féministe au 19ème siècle, et la plupart des thèmes qu’il aborde au fil des dix originaux qui le composent évoquent la perte, l’émancipation et la résilience. La plage éponyme qui ouvre le ban révèle un full band cuivré d’une quinzaine de choristes et musiciens, dominé par la guitare musclée et le timbre puissant de son leader. Marqué tout jeune par la southern soul de Wilson Pickett et Otis Redding, il en propose une convaincante restitution sur le single “Missin’ You”, où l’orgue Hammond de Jesse O’Brien offre le contrepoint à une réplique efficace des Memphis Horns, ainsi qu’à de fringantes choristes. Smokey Robinson et Etta James ne sont pas non plus en reste, au fil du rétro-slow soul number “Release Me”, que l’on jurerait issu des charts d’il y a soixante ans: O’Brien, les vestales et les soufflants y officient avec une confondante contemporanité. Le funk triomphal “Golden Handcuffs” rappelle pour sa part les périodes Stax d’Albert et Freddie King, tandis que, y alternant orgue et piano, O’Brien y évoque tour à tour Booker T. Jones et le regretté Leon Russell. Au beau milieu de ce déploiement rhythm n’ blues, la ballade three-steps (ou valse, pour les non-anglophone) “Dancing With Ghosts” fait office de contre-pied, avec ses arrangements de flûte, d’accordéon, de mandoline, de viole et de violoncelle. Plus loin, l’aérien “Speak Low” (avec la clarinette de Kevin Matthews) emprunte le même registre, permettant à André de démontrer une autre facette de ses talents vocaux, singulièrement plus modulés. Le southern blues-rock reprend ses droits pour un “Caught!” empruntant son riff à l’antique version du “Crossroads” de Robert Johnson par Cream, et laissant à nouveau à l’orgue et aux cuivres le soin d’en assurer la différence. “Sounds Of Redemption” transpose ensuite le même pattern de guitare en registre Delta blues acoustique, avant que la section rythmique et l’orgue n’y fassent monter la sauce pour accueillir cuivres et chœurs soulful à souhait : sur scène, ce classic gospel doit emporter les foules! C’est selon un lounge mambo beat à la manière de Ramsey Lewis que débute “The Great Mistake”, dont André et son band proposent un arrangement à faire pâlir José Feliciano en personne, le sax ténor de Par Carey et les percussions de Keagan Early s’y taillant la part du lion. Ce bien bel album se referme en mode country-blues, avec un “Down The Line” ne bénéficiant pas moins d’une section de cordes et d’un washboard y faisant écho à la slide acoustique du patron. Un disque dont la diversité ne dessert en rien la cohérence, pour découvrir un artiste aussi sincère qu’émouvant. Accordez-vous donc cette faveur.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, November 27th 2022

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