Blues |
Autant vous le dire d’entrée, cet album place la barre très haut. Sans grosses guitares et sans rythmique lancée à fond la caisse, sans nappes lourdingues de claviers et sans déluge de cuivres, sans longs soli de gratte style esbroufe et sans instruments trop bavards, ‘Sadaka’ va vous surprendre par son énergie et sa force vitale, son style dépouillé et sa luminosité, sa fluidité et son originalité.
Fils de Blel, issu d’une lignée targuie, Amar Sundy ne se contente pas de jouer en répétant comme d’autres une tradition blues et soul. A l’instar de ce nouvel album, Sadaka, Amar Sundy ne prémédite jamais rien, car tout s’impose à lui : «Je cherche à être authentique. La seule façon de l’être, c’est de laisser tout venir en moi jusqu’au moment où le corps devient souffrant et ne résiste plus à délivrer le message dont il est porteur. Laisser tout ressortir, exprimé au plus juste, au plus vrai. N’être que l’instrument de la force de la vie. La musique traverse la vie …. la vie est dans ma musique… et le rythme traverse ma vie.».
Ce rythme qui traverse sa vie, Amar Sundy vous le fait ressentir au travers des 14 titres de cet opus, tous signés ou co-signés Amar Sundy et qui font de ce CD non pas une jolie suite de chansons mais une ‘œuvre’, un ‘concept’, avec son univers propre, ses percussions, ses guitares électriques et acoustiques qui vous propulsent dès le premier titre, ‘L’Halem’, dans le monde ensoleillé de Amar Sundy, un monde qui va, comme il l’écrit lui-même, «…là où l’amour et l’espoir du lendemain n’ont nulle part où s’amarrer.»
Invités de marque, Pura Fe’ chante et joue de la ‘Hawaïan-born’ lap-steel guitar sur ‘El Hathab’ et ‘Men’Na’, tandis que Eric Bibb chante et joue de la guitare sur ‘Sahraoui’ et que Joe Louis Walker assure les vocaux et joue de la six cordes sur ‘Prisoner Of Misery’, donnant à cet album un goût de magie, un goût de désert que l’on traverserait bien, seul, pour y retrouver cette sérénité qui nous fait tellement défaut en ces temps de crise.
Pour Amar Sundy le blues est une base fortement bleutée à partir de laquelle il teinte ses chansons de couleurs éclatantes ou pastels qui se fondent, se dispersent, s’envolent sous le souffle du vent chaud du désert. Chez Amar Sundy, point de lumière noire ou de pensées sombres, point de fureur ou de rage, tout est posé, calme et sérénité.
Ses origines, Amar Sundy en est fier et il les exprime par des rythmiques d’ambiance tribale enracinées en Afrique du Nord et que les percussions se chargent de faire jaillir ici et là, encore et toujours, au travers de ‘Sadaka’. Ecoutez les dans ‘El Hathab’ (Old Blues), ou dans ‘El Hamma’ (Rêve Bleu), sublime ode aux nomades, aux hommes bleus. Un des grands moments de cet opus, qui vous fait dresser les poils.
Musicalement, Amar Sundy s’autorise des audaces, comme cette flûte dans ‘Debhia’, se forgeant un univers musical unique, subtil mélange entre blues traditionnel et sonorités nord-africaines, comme si jamais l’un n’avait pu survivre sans l’autre.
Cet album n’est pas un mirage, mais un miracle, comme il s’en produit souvent sous le soleil, dans le désert. Un album qui surprendra peut être les aficionados de blues pur et dur, mais une vraie découverte pour qui va faire ce voyage musical!
Et pour terminer, comment ne pas citer ces quelques mots de Amar, qui résument mieux que tous mes propos comment vous écouterez, et vivrez, ce ‘Sadaka’ : «Le geste nomade et la pensée légère, l’homme bleu s’évanouit, comme un parfum, à l’appel du désert.»
Respect, tout simplement.
Frankie Bluesy Pfeiffer
Amar Sundy