ALYSSA BOURJLATE – I’ve Lost Myself On The Way

Autoproduction
Americana
ALYSSA BOURJLATE

Poupée de cire, poupée de son“, tels étaient les mots que le grand Serge glissait voici un bon demi-siècle entre les lèvres mutines et acidulées de la lolita pop France Gall. Davantage brûlot que manifeste, cet hymne sixties pourrait presque passer de nos jours pour l’un des premiers feminist statements à avoir escaladé les charts (Grand Prix Eurovision 1965, siouplait). Ayant occupé les six premières années de ce millénaire à cultiver son image sur tous les écrans (de la mode à la TV, en passant par le cinoche), Alyssa Bourjlate en a soudain eu sa claque, de ce rôle de belle plante verte auquel on l’assignait. Après un premier album calibré pop-rock en 2008, puis Mariage Noir en 2010, on était depuis sans nouvelles de cette défroquée du mannequinat. Tout juste si l’on devine qu’elle est devenue maman (l’équivalent pour les chanteuses-actrices de ce que le service militaire causa de défections aux premiers soubresauts du rock hexagonal). Et quand on mesure ce qu’une carrière musicale peut désormais comporter de précaire, on devine qu’elle n’y revient pas pour arrondir ses fins de mois. Alors, pourquoi et à quoi bon? À l’écoute de ce bien intitulé troisième effort, on peut risquer une hypothèse: mordue au truc (comme d’aucuns à des substances bien plus nocives), elle n’aurait tout simplement pas pu s’en empêcher. La sentence que m’asséna un jour un sage aîné résonne ici dans toute son acuité (“Mais pourquoi vouloir t’empoisonner la vie à être artiste? As-tu au moins quelque chose d’important à raconter?”). De prime abord, si on lui concède volontiers un touchant timbre abrasé au papier de verre (davantage versé du côté de Marianne Faithfull que de celui de Souad Massi), on serait tenté de se demander où sont les chansons. Et puis, à la lueur de la seule cover parmi ces huit titres (“Losing My Religion” de REM), on comprend soudain que la Bourjlate est animée du même gusto que Patti Smith et Lucinda Williams. Cela saute aux tympans sur “King Of Sadness”, et même si la dominante de cet album concis emprunte les nuances mordorées des banjos, guitares sèches et pedal-steel de rigueur en pareil registre, pour une Americana franche du collier et made in Levallois-Perret (la dernière demeure de Screaming Jay Hawkins, et non celle de ces Thénardiers de Balkany), Alyssa Bourjlate y révèle une palette plus diverse encore. Il y a ainsi quelque chose de Ronnie Spector et de la Patsy Cline blessée mais fière dans ces “Losing My Mind”, “Outlaw” et “Never Be Yours”. Un simple conseil: après une première écoute, laissez donc reposer cet album un jour ou deux. En y revenant, vous pourriez bien en faire ensuite l’un de vos disques de chevet.

NB: Selon la vogue actuelle des rééditions augmentées, trois titres bonus sont disponibles ICI

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, January 11th 2023

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