Allan Harris – The Poetry Of Jazz – Live at Blue LLama (FR review)

Blue Llama Records – Street date July 11, 2025
Jazz
Allan Harris - The Poetry Of Jazz - Live at Blue LLama

Allan Harris et la poésie du jazz : une voix qui traverse les époques.

Allan Harris n’est pas simplement un chanteur de jazz, il est, à bien des égards, un chapitre vivant de l’histoire du jazz. Avec une voix imprégnée de blues et de soul, et une carrière qui traverse les continents, les décennies et pas moins de 17 albums, Harris s’est imposé comme une figure lumineuse de la musique américaine. Sur scène, il est autant conteur qu’interprète, pédagogue bienveillant autant qu’artiste passionné, glissant dans chaque concert une part d’histoire, de sagesse et de chaleur. Il incarne son art avec une simplicité désarmante et une fierté tranquille.

Son dernier projet, The Poetry of Jazz: Live at the Blue LLama, est aussi ambitieux qu’intime. Il mêle les vers de William Shakespeare, Dylan Thomas, Maya Angelou, Langston Hughes et Mary Oliver à des standards du jazz et des compositions originales. Le résultat dépasse le simple cadre du concert ou de l’album: c’est une forme d’opéra discret, un pont élégant entre le jazz et le blues, qui invite à la réflexion, à l’écoute profonde, à l’émotion. En cette période troublée, sa résonance est d’une intensité particulière.

La voix grave et expressive de Harris s’adresse directement à l’auditeur. Il ne se contente pas d’interpréter ces textes : il les habite. Le Sonnet 18 de Shakespeare (“Shall I compare thee to a summer’s day?”) s’enchaîne naturellement avec “Midnight Sun”, fusionnant amour éternel et beauté intemporelle. Sa propre composition, “Autumn”, une ballade douce sur le changement et l’abandon, entre en résonance avec Wild Geese de Mary Oliver, deux œuvres qui interrogent, chacune à leur manière, notre place dans le monde: «Laissez le doux animal de votre corps aimer ce qu’il aime.»

“Charade”, la mélodie mélancolique de Henry Mancini et Johnny Mercer, explore la fine frontière entre l’apparence et la réalité, un thème approfondi par le Sonnet 29 de Shakespeare, sur la disgrâce et la rédemption. Ailleurs, Harris associe “Shallow Man” au célèbre Do Not Go Gentle into That Good Night de Dylan Thomas, exprimant une urgence commune à résister — à la complaisance comme à la mort.

Tout au long de l’album, Harris se révèle non seulement comme chanteur, mais comme penseur et passeur d’émotions. Il livre des fragments très personnels de sa réflexion, sans jamais les imposer, il les distille, avec élégance, à ceux qui sont prêts à les entendre. Entouré d’un ensemble de musiciens remarquables qui subliment chaque note, Harris semble porté, même transcendé, par la beauté de cette collaboration. Il y a dans cette manière de travailler quelque chose qui rappelle les grands artistes français des années 60, comme Léo Ferré, qui mêlait avec fougue poésie et contestation, invoquant Baudelaire ou Rimbaud pour dire les souffrances de son époque. Ferré hurlait en 1968 : « Poètes, vos papiers ! », Harris, lui, répond à cet appel avec la douceur brûlante de son jazz habité.

Plus qu’un grand vocaliste, Allan Harris est un artiste essentiel. L’entendre poétiser son jazz, c’est puiser à une source de jouvence. The Poetry of Jazz: Live at the Blue LLama témoigne de l’évolution continue de Harris, de son art de raconter des histoires en musique. Avec ce disque, il repousse une fois de plus les frontières du jazz, nous invitant à redécouvrir des mots familiers sous une lumière nouvelle. Un album de collection, sans conteste, que l’on aimera écouter encore, et encore.

Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News

PARIS-MOVE, July 8th 2025

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Musicians :
Allan Harris, voice
John Di Martino, piano
Jay White, bass
Sylvia Cuenca, drums
Alan Grubner, violin

Tracking List :

  1. Groovy People (Gamble & Huff)
  2. Weary Blues (Langston Hughes lyrics)
  3. Midnight Sun/”Shall I Compare Thee to a Summer’s Day” (Sonnet 18)
  4. Autumn/”Wild Geese”
  5. Charade/”When in Disgrace with Fortune and Men’s Eyes” (Sonnet 29)
  6. Shallow Man/”Do Not Go Gentle Into That Good Night”
  7. Desafinado/”Let Me Not To the Marriage of True Minds” (Sonnet 116)
  8. With You I’m Born Again/”She Walks in Beauty”
  9. Sea Line Woman/”Still I Rise”
  10. Secret Moments/”How Do I Love Thee”
  11.  Time Just Slips Away/”The Road Not Taken”