Pop

Que serait-il advenu si, au lieu de se révéler à l’orée des sixties triomphantes au sein des formations que l’on sait, des génies aussi subtils et complexes que Paul McCartney, Brian Wilson et Ray Davies avaient du se débrouiller seuls avec les moyens du bord, trente ou quarante ans plus tard? C’est en quelque sorte la question à laquelle tente de répondre ce second album de l’ermite californien Alex Izenberg. Il ne lui aura pas fallu moins de quatre ans pour donner suite à son prédécesseur (le déjà remarqué “Harlequin”), mais l’attente en valait manifestement la peine. Entre la touchante vulnérabilité du regretté Chris Bell (“Requiem”, “Bouquets Falling In The Rain”) et la bipolarité rampante d’un Daniel Johnston (“Anne In Strange Furs”, “Dancing Through The Turquoise”, “Revolution Girls”), cet album s’avère aussi séduisant que dérangeant, rejoignant parmi les ovnis de la musique moderne le DIY de “McCartney II” et du “Sister Lovers” de Big Star. Magnifiée par le dénuement contraint de leurs arrangements, la majestueuse sophistication des compositions d’Izenberg les hisse parfois au niveau de celles d’Alex Chilton (les terrassants “Sister Jade”, “Saffron Glimpse” et “December 30th”), ainsi que des premiers Steely Dan (“Disraeli Woman”), voire du Robert Wyatt de “Rock Bottom” (“Lady” et la plage titulaire). Votre nouvel ami autiste essaie une fois encore d’entrer en contact avec vous. Accusez réception, vous en serez récompensé au centuple: un disque de chevet aussi crucial qu’atypique, pour les décennies à venir.

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, July 18th 2020

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