Alchemy Sound Project Performs The Music of Sumi Tonooka – Under The Surface (FR review)

Self released - Street date : June 27, 2025
Jazz
Alchemy Sound Project Performs The Music of Sumi Tonooka - Under The Surface (FR review)

Sous la surface : la tapisserie jazz de Sumi Tonooka et la sagesse souterraine des arbres.

Alors que juin s’efface dans la chaleur pleine de l’été, un album nous invite non pas à lever les yeux vers le soleil, mais à descendre, dans la terre, dans le silence, dans la complexité enchevêtrée et invisible des racines. Pour la compositrice et pianiste Sumi Tonooka, le sol forestier devient à la fois muse et métaphore, dans une suite en sept parties qui efface les frontières des genres et évoque la coopération silencieuse des arbres sous nos pieds. C’est une musique de l’invisible, et non pas dans le sens bohème, mais écologique.

La dernière œuvre de Tonooka est plus qu’un simple disque. C’est un geste immersif et intentionnel, qui nous invite à ressentir plus qu’à entendre. Inspirée par le réseau mycorhizien, un vaste réseau fongique souterrain reliant les racines des arbres au-delà des espèces, permettant l’échange de nutriments et d’informations, les compositions de Tonooka reflètent cette intelligence silencieuse du vivant. Dans la nature, les plus forts nourrissent les plus faibles. Les arbres, sentinelles anciennes, tendent leurs filaments invisibles pour soigner, nourrir, soutenir. Ce que la science appelle les «réseaux mycorhiziens», Tonooka en fait le symbole d’une coopération humaine : une révision radicale du darwinisme où l’empathie, et non la domination, garantit la survie.

L’album est donc à la fois écologique et philosophique. Il propose une éthique de l’interdépendance, traduite en sons. L’auditeur attentif devient promeneur en forêt, captant les échanges souterrains, essayant de décrypter ces signaux à la fois organiques et savamment construits. Ce jazz n’est pas un décor sonore, c’est le sol vivant : urbain, anguleux, instable, mais traversé d’une intelligence naturelle.

Pour comprendre pleinement ce projet, il faut connaître la femme qui le porte. La carrière de Sumi Tonooka échappe à toute simplification. Apparue sur la scène jazz de Philadelphie dans les années 1970, elle a traversé le paysage musical américain, géographiquement, stylistiquement, émotionnellement. Boston, Détroit, New York, Seattle : autant d’étapes nourricières, dont chacune a laissé sa trace dans une œuvre impossible à enfermer dans une case. Aujourd’hui de retour à Philadelphie, elle reste traversée par toutes ces influences.

Son parcours est impressionnant : plus de 20 musiques de films, dont Family Gathering de Lise Yasui, nominé aux Oscars, ou encore Mary Lou Williams: The Lady Who Swings the Band, hommage documentaire à une figure pionnière du jazz. Son répertoire couvre aussi bien les œuvres de chambre que les pièces symphoniques ou les projets jazz de grande envergure, souvent liés par un sens du récit indéfectible.

Ce nouvel album réunit tous ces fils. Il ne reflète pas seulement l’expérience de Tonooka, il est cette expérience, dense et stratifiée, mêlant des structures classiques à des formes jazz, des textures avant-gardistes à des instants lyriques. Aucune fidélité rigide à une forme: Tonooka construit une musique comme un jeu de miroirs, fragments reflétés, réfractés, recomposés. Les ambiances s’entremêlent comme des feuillages mouvants; les motifs émergent, disparaissent, réapparaissent, comme des souvenirs ou des saisons.

Tout a commencé très tôt: diplômée du lycée à 15 ans, elle quitte sa ville pour Boston, où elle étudie avec deux figures légendaires du piano: Margaret Chaloff, mentor de Jarrett, Corea, Hancock, et Charlie Banacos, disciple de Tristano et maître à penser du jazz. Après ses débuts sur la scène bostonienne, elle passe par Détroit, où elle enregistre aux côtés du légendaire trompettiste Marcus Belgrave, figure tutélaire de la scène Motown.

Cette œuvre ne fait pas de compromis. Elle demandera un effort à celles et ceux qui préfèrent un jazz plus traditionnel, mais comblera les amateurs de musique profonde et exigeante. Pour qui accepte de s’enfoncer dans ce sol fécond, la suite de Tonooka s’impose comme l’un des projets musicaux les plus inspirants de l’année 2025 : une méditation sur la connexion, la résilience, et la grâce.

Dans un monde où le bruit est trop souvent pris pour la force, Sumi Tonooka propose une autre voie, où la sagesse est discrète, la générosité puissante, et les plus solides sont ceux qui tendent la main sous la surface.

Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News

PARIS-MOVE, June 13th 2025

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Sumi Tonooka’s Website

Musicians :
Sumi Tonooka piano

Special Guests:
Johnathan Blake – drums
Gregg August – bass
Erica Lindsay – tenor sax
Salim Washington – multi reeds
Samantha Boshnack – trumpet
Michael Ventoso – trombone

Tracklist :
Point of Departure
Savour
Interval Haiku
Tear Bright
Mother Tongue
For Stanley
Under the Surface