AL BASILE – Me & The Originator

Sweetspot Records
Blues

Pilier fondateur du célèbre R&B band de Rhode Island, Roomful of Blues, le chanteur et trompettiste Al BASILE est resté proche de son leader originel Duke ROBILLARD, ainsi que de quelques autres de ses comparses initiaux. C’est ainsi qu’il apparaît sur quantité d’albums du Duke, et que ce dernier a produit chacun des quinze qu’Al a enregistrés sous son nom. C’est selon cette formule inchangée qu’il propose cette fois cependant un projet différent. S’il s’agit toujours de ce blues cuivré, tour à tour swinguant et alangui, qui établit la marque intemporelle de Roomful Of Blues (“All Right”), le thème et la forme de cet album le distinguent singulièrement de ses prédécesseurs. Comme l’indique son titre, Al BASILE s’y interroge avec humour et sagacité sur les origines de l’inspiration. Inventant la fable d’une malle oubliée au fond de laquelle il aurait trouvé une pile de feuillets où puiser la matière de ses premières compositions, il alterne au fil de ce CD passages parlés et blues songs musicaux. Féru dès son plus jeune âge de poésie et de littérature, ce bon vieil Al a en effet tenu à combiner ses deux passions autour d’un même objet. Sa faconde et son évident talent de conteur développent entre chaque morceau la réponse à laquelle aboutit tout écrivain: l’inspiration n’existe pas, et le secret de toute création réside en les capacités d’observation et de synthèse de son auteur. Les amateurs de Robillard et de Roomful trouveront amplement matière à se rassasier, depuis le shuffle-swing d'”Here Come Your Trouble” (ses cuivres aussi subtils que rutilants, le solo de piano ébouriffant de Bruce Bears…) jusqu’à la vintage soul millésimée d'”I Forgot How To Care” et “A Go Of It”. Outre la guitare aiguisée du Duke (“First One To Go”, “What You Got For Me”, “So Wrong For So Long”), les baguettes de Mark Texeira et le sax ténor du non moins fidèle Doug James attestent combien la diaspora Roomful demeure vivace, quelle que fût la période à laquelle ses membres s’y côtoyèrent. La malice du parolier Al BASILE, et l’expertise instrumentale de ses complices, culminent avec l’irrésistible (et jazzy) “If It Goes, It Goes”, dont la mordante autodérision ne déparerait pas le répertoire de Rick Estrin ou de Donald Fagen.
Un excellent album, dont la saveur substantifique risque toutefois d’échapper aux auditeurs les moins anglophones. Les autres en apprécieront le livret, qui retranscrit sur 20 pages l’intégralité des textes (parlés comme chantés). Recommandé aux fans du Duke, comme à ceux de son band originel.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder