AKIKO YANO – To Ki Me Ki

WeWantSounds / Modulor
Funk, Jazz, Pop
AKIKO YANO - To Ki Me Ki

Tandis que Ryuichi Sakamoto (dont elle fut la partenaire, l’épouse et la muse) nous a quittés en mars dernier, Akiko Yano coule désormais des jours tranquilles à New-York. Pianiste dès son plus jeune âge, cette native de Tokyo (élevée dans la région d’Aomori) revint s’y établir au début des seventies, pour y embrasser la carrière de musicienne professionnelle. Après un premier album solo en 1976 (“Japanese Girl”, capté à Los Angeles avec le staff de Little Feat), son successeur (“Iroa Ni Konpeitou”) l’inscrivit sur l’échiquier pop international. Repérée par l’entourage des stars montantes de l’electro-pop nippone alors en germe, Yellow Magic Orchestra, elle les rejoignit pour leur première tournée mondiale, et s’y lia avec leur claviériste de renom. Auréolée de cette consécration, c’est au Power Station Studio de New-York (ainsi qu’à Sound Ideas et dans ceux de Bearsville, à Woodstock) qu’elle enregistra en 1978 son troisième effort, dont WeWantSounds propose aujourd’hui la réédition. On l’y retrouve entourée de la crème de ce que les requins appointés des environs pouvait offrir à l’époque: les drummers Steve Jordan (futur Rolling Stones) et Rick Marotta (Steely Dan, Paul Simon…), ainsi que les bassistes Will Lee et Frank Blair (Marvin Gaye, Robert Palmer), le guitariste David Spinozza (Lennon) et le claviériste pionnier des synthés Roger Powell (Todd Rundgren’s Utopia), augmentés du percussionniste Nicky Marrero (Paul Simon, Linda Ronstadt, Carlos Santana…) et du programmateur Hideki Matsutake. S’ouvrant sur une ballade pianistique à la métrique rythmique complexe, on y discerne un cousinage avec ce que produisait alors la jeune Kate Bush (sans que cette proximité ne puisse valoir procès en plagiat de part ou d’autre). La proximité du timbre flûté d’Akiko avec celui de la native de Plumstead, ainsi que la richesse et la modernité de leurs arrangements respectifs, achèvent toutefois d’en accuser la ressemblance (“Okina Ishi”, “Andante Cantabile”, “Yo Ro Ko Bi”). Variant de time-signatures jazz-funk (la plage titulaire) en reggae (l’impressionnant “Yameru Wakenya Ikanaiwa”) et latino (le virevoltant “Uo Sao”, préfigurant Bebel Gilberto), cette rondelle ne dédaigne pas non plus s’aventurer sur les terres du tandem Fagen-Becker, dont le “Aja” cartonne alors à l’échelle planétaire (“Two On The Stage”), tout en déployant la versatilité vocale et instrumentale d’une compositrice à son acmé créatif. Une savoureuse time-capsule n’accusant pas son âge, avant que cette artiste lumineuse ne bascule ensuite vers des rivages synthétiques funestement plus datés.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, November 26th 2023

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