Tim Lothar Petersen: le bluesman danois de l’année 2008!

Le Bluesman danois de l’année est à l’image de tous les vrais bluesmen: talentueux, sincère et attachant, vous ouvrant son cœur comme la porte de sa maison et vous considérant dès le premier regard comme un ami, un frère. En deux albums Tim Lothar Petersen s’est imposé non seulement comme chanteur mais aussi comme auteur-compositeur en ligne directe du blues le plus roots. Deux albums et une personnalité que Paris-Move et Blues Magazine vous font découvrir avec plaisir…

FP: Avant de chanter en solo tu as joué comme batteur dans le groupe ‘Lightnin' Moe’. L’aventure avait commencé quand ?
TLP: En 97, je crois… Cela va faire plus de dix ans, c’est sûr. Lightnin’ Mo a été créé par Morten Stenbaek (aka Lighnin’ Moe), qui en était le chanteur, l’harmoniciste, et qui en écrivait les chansons aussi.

FP: Quels étaient les autres musiciens du groupe ?
TLP: Au début il y a eu moi, Thomas Nitszchke à la basse et Ronni Busack-Boysen à la guitare. Le line-up est resté le même pendant trois ans, puis Kikkan Haraldset a remplacé Ronni à la guitare et peu de temps après c’est Peter Dunvad qui a remplacé Thomas comme bassiste, et plus tard c’est Kasper Vegeberg qui a repris la guitare.

FP: Lightnin’ Mo était plus un groupe de scène que de studio, non ?
TLP: Oui, c’est sûr, nous étions vraiment un groupe fait pour la scène. Nous étions jeunes et adorions le Blues, et à nos débuts on jouait surtout du jump. Ensuite on a été très influencé par James Harman et pas mal de chansons blues plus anciennes comme celles de Sonny Boy Williamson, Little Walter et bien d’autres.

FP: Dans ce groupe tu n’as jamais chanté ?
TLP: Non, j’en étais le batteur, et c’était déjà pas mal pour moi… (sourire)

FP: Et maintenant tu es chanteur…
TLP: Oui, et alors… ? (rire) Tu penses que je ne devrais pas chanter ?

FP: Ce n’est pas ce que je voulais dire. Tes deux albums solo sont excellents et je m’étonne que tu n’aies jamais chanté avec Lightnin’ Mo.
TLP: Chaque chose en son temps. J’étais batteur pour le groupe et maintenant je suis chanteur. (sourire)

FP: Vous avez enregistré 4 albums, exact ?
TLP: Laisse-moi calculer… (sourire). Il y a eu ‘Nothing Seems To Satisfy’ en 1998, ‘Take It Easy Baby’ en 99, ‘Things Go My Way’en….2000, je crois….(sourire), puis ‘Undercover Lover’ en 2002 et enfin ‘Rock’n’ Roll Baby’ en 2004. Cela fait donc 5 albums…! (sourire)

FP: Et selon toi lequel est le meilleur de ces cinq albums?
TLP: En ce qui me concerne, mais c’est sans doute différent pour les autres membres du groupe, je préfère les deux derniers. Morten y a écrit un bon nombre d’excellentes chansons, je trouve.

FP: Pourquoi avoir arrêté le groupe ?
TLP: Hé bien,….pas mal de choses se sont passées, et puis on ne voulait plus tourner qu’au Danemark parce que pas mal d’entre nous avaient des enfants en bas âge et que cela ne nous amusait pas vraiment de nous éloigner de nos familles, alors on a fini par jouer dans des pubs et des petites salles,…et c’est comme cela que petit à petit on a arrêté de jouer.

FP: Et c’est définitif ?
TLP : Qui sait. Personne ne peut le dire. C’est peut être un break plus ou moins long, mais en ce qui me concerne j’ai de quoi faire, donc finalement le groupe ne me manque pas tant que cela.

FP: Comment expliques-tu ce passage d’un groupe qui joue ‘électrique’ à un blues acoustique, et en solo ?
TLP: Tu sais, le blues est toujours le blues, qu’il soit joué avec des instruments électriques ou des instruments acoustiques. Il y a une ‘ligne’ (NDLR : ‘a line’) que l’on retrouve dans toutes les chansons de blues et cela tu le ressens, quelle que soit la manière dont elles sont chantées. Tu peux appeler cela l’âme de la chanson, ou lui donner un autre nom, mais c’est cette ‘ligne’ qui fait la chanson, que tu la chantes seul avec ou sans instrument, ou avec un groupe et plein d’instruments. Cette ‘ligne’ est toujours là et tu peux toujours la sentir. (silence)  Et puis j’ai toujours adoré le blues chanté en acoustique. Et lorsqu’un ami à moi, Max Wolff, s’est mis à chanter du blues acoustique, je me suis dit que si lui pouvait le faire je pouvais le faire également. Et c’est comme ça que cela a commencé…(sourire)

FP: Et tu t’es donc mis à la guitare…
TLP: Oui, il y a quatre ans et demi je me suis acheté ma première guitare et je me suis dit ‘Tu peux le faire aussi !’. Alors je me suis mis à bosser, encore et encore… (sourire)

FP: Mais c’était un challenge un peu fou, non ?
TLP: (rire) Peut être, mais je n’arrête pas de bosser, tout le temps, pour m’améliorer encore.

FP: Et tu espères quoi ?
TLP: (large sourire) Tu veux savoir ? Gagner suffisamment d’argent pour m’acheter une nouvelle guitare parce que la mienne commence à bien vieillir… !

FP: As-tu remarqué un changement d’attitude dans ton public depuis la sortie de ton second album ?

TLP: Oui, c’est sûr. Tu sais, un second album traduit le fait que tu es dans une ligne à laquelle tu tiens, et cela te donne plus de poids et de reconnaissance qu’avec un seul album. On te prend vraiment au sérieux avec un deuxième album. Après un premier album certains se demandent toujours si tu vas arriver à continuer, ou comment. Ceci dit, je pense toujours que ce second CD date déjà…(sourire)  Hé oui, j’ai tellement travaillé dessus que j’ai l’impression que cela fait un moment maintenant qu’il est sorti.

FP: Sur ce second album, comme sur le premier d’ailleurs, tu proposes un mélange de reprises et de chansons écrites par toi. Pourquoi ce mix ?
TLP: J’ai toujours aimé écrire des chansons, même si je ne les chantais pas. J’aime ce travail d’écriture, cela me fascine. Et j’aime également interpréter de vieilles chansons.

FP: Comment choisis-tu les reprises que tu proposes sur tes albums ?

TLP: Quand une chanson me plait, je la joue, je la retouche, en la rejouant parfois pendant très longtemps. Parfois je la mets de côté et je m’y remets plus tard. Et parfois y’a le déclic et je la garde, et parfois ca ne fait pas tilt et je ne la reprends plus.

FP: Ne penses-tu pas qu’en concert ton public attend peut être un peu plus de compos de toi ?

TLP: Je ne sais pas. Certaines personnes, oui,…mais en général le mélange que je propose passe très bien parce que sur scène j’apporte toujours un petit commentaire pour expliquer mes chansons et je raconte toujours quelque chose sur l’auteur ou sur la chanson quand c’est une reprise. Et les gens aiment bien car beaucoup découvrent alors quelque chose qui est en relation avec une chanson qu’ils ont déjà entendue plusieurs fois mais dont ils ne connaissaient pas l’histoire du chanteur, par exemple.

FP : Quelles sont alors les chansons qui ont le plus de succès quand tu es sur scène, les tiennes ou les reprises ?

TLP: (sourire) Les deux, je pense. En fait je chante toutes les chansons avec le même respect, la même âme, qu’elles soient de moi ou pas. Et puis je chante aussi des reprises au milieu de mes propres chansons pour montrer combien nous devons à tous ceux qui ont chanté avant nous. Et puis pour moi le Blues n’est pas qu’un rythme ou un style de musique, le Blues c’est le chant de l’âme, si tu vois ce que je veux dire… (silence) Chanter le blues, c’est chanter ce qui est en nous, au plus profond de nous.

FP: Comment composes-tu ? Où trouves-tu ton inspiration ?
TLP: Je trouve l’inspiration et les thèmes de mes chansons dans la vie de tous les jours,…ma vie personnelle, mes amis, mon entourage. La chanson ‘Baby Blue’, par exemple, que tu retrouves sur mon premier album, a été la première chanson que j’ai écrite et elle raconte ce à quoi pense un musicien qui sort le soir pour aller jouer sans savoir s’il y aura du public pour l’écouter, ou pas. Par contre, jamais je n’écrirai de chanson dont les paroles n’auraient pour but que de coller à une musique ; pour moi une chanson doit raconter quelque chose, te faire partager un moment de vie, des sentiments ou quelque chose qui t’a touché et que tu veux faire ressentir à d’autres. C’est pour cela que je dis que chanter le blues c’est chanter l’âme, car en chantant ce que tu as au fond de toi tu dévoiles ton âme,…et tu ne peux pas tricher. D’ailleurs j’ai presque fini d’écrire une chanson que je compose à la manière des vieux bluesmen qui travaillaient dans les champs de coton, une sorte de chant ‘traditionnel’. Je le fais en hommage mais aussi et surtout par respect envers tous ceux qui ont écrits de superbes blues traditionnels.



FP: Sur ton second album on trouve une chanson bourrée d’émotion et qui fait vraiment frissonner: ‘I’ll Be Home Again’. Comment et pourquoi l’as-tu écrite ?

TLP: Cette chanson, je l’ai écrite en trois minutes… C’est mon ‘hobo-song’. J’ai avalé beaucoup plus de kilomètres d’autoroutes que ce que les gens peuvent rouler en une vie. Très souvent, quand je partais en tournée, je ne savais même pas où j’allais jouer, quels gens j’allais rencontrer, ce qui allait ensuite se passer le lendemain…, à part rouler encore et encore. Je ne savais jamais quand je serai de retour à la maison mais cela ne me posait jamais de problème. Je roulais et j’étais en paix, faisant ce que j’aime faire, rouler pour pouvoir chanter. Et c’est en me revoyant roulant sans trop savoir où j’allais et sans trop savoir où j’allais chanter que cette chanson m’est venue, immédiatement. Un peu comme si elle avait toujours résonné en moi, mais jamais écrite.

FP: Et ‘Bad Luck’ ?
TLP: Bad Luck? (sourire) Cela parait étrange une telle chanson de la part d’un danois, c’est cela?  En fait, ‘Bad Luck’ est une chanson qui reflète ce que je pense souvent de moi, que je suis un malchanceux, que rien ne va vraiment bien pour moi. Combien de fois me suis-je dit ‘Pourquoi avoir choisi de chanter le blues ?’ car ce n’est pas cette musique là qui va faire de toi une vedette de la chanson… (songeur) Pour te dire la vérité, il y a eu des jours où lorsque j’étais seul à la maison, je me privais de manger pour garder le peu de nourriture que nous avions pour en avoir un peu plus le soir, quand toute la famille était rentrée. Et ça, je l’ai fait de nombreuses fois… (songeur) Dans ces moments là, et d’autres encore, je me suis souvent dit que je n’avais pas la chance avec moi, que j’avais ce ‘Bad Luck’. Et je le pense encore… (songeur)  Quand je n’ai pas assez de concerts je n’ai rien à rapporter à ma famille, et en ce moment je n’ai pas de quoi nourrir ma famille pour les trois mois à venir. Que dois-je faire? Vendre mes guitares et choisir un autre boulot…? Je n’y arrive pas. Le blues est en moi et je ne peux pas vivre sans le blues. J’espère simplement que le Prix que j’ai reçu cette année m’aidera un peu… (long silence)

FP: Mais pour le concert de Big Joe Louis & King David tu joues de la batterie. C’est aussi un peu pour le plaisir ou juste pour pouvoir faire vivre ta famille?
TLP: Les deux. Je joue de la batterie depuis 25 ans et je serai toujours un batteur. C’est vrai que c’est pour le plaisir, mais c’est vrai aussi que jouer ainsi pour d’autres musiciens me permet de gagner un peu d’argent…

?FP : Tu t’es toujours senti né pour être batteur ?
TLP: (avec le sourire à nouveau) Oui. Déjà à 3 ans je tapais sur tout ce qui me tombait sur la main pour jouer comme à la batterie. Et pourtant personne à la maison n’était musicien ou ne jouait d’instrument. Il n’y avait que moi, comme musicien…! (rire)  Tout petit, j’utilisais par exemple le fond d’une boîte de gâteaux pour jouer de la batterie. A 14 ans j’ai eu ma première vraie batterie, avec deux enregistrements de chansons pour apprendre à jouer dessus: la première était une chanson country, que je n’aimais pas du tout, et la seconde était une musique plus soul-rock et je n’ai appris qu’en jouant sur cette musique là.

FP: Tu me disais que tu as eu ta première guitare il y a quatre ans. C’est une blague, non ?
TLP: (rire) Non, c’est vrai. J’ai acheté ma première guitare il y a quatre ans et demi, très exactement. Tu sais, les choses peuvent aller très vite si tu as la volonté de le faire et que tu bosses dur. C’est ce que j’ai fait pour la guitare: je voulais en jouer et j’ai bossé dur. Et cela ne m’a pris finalement que quatre ans et demi pour décrocher le Prix du Bluesman Danois 2008. (rire)

FP: Toi pour qui les concerts et la vente de tes CD est vitale, que penses-tu des gens qui piratent des albums sur internet?
TLP: Que peut-on y faire? Internet est là, c’est un fait, et faut faire avec. Que veux-tu que je fasse si je sais que mon album est copié? Et s’il y a des sanctions, est-ce que l’on viendra me voir pour me verser quelque chose? J’en doute…

FP: Si tu ne pouvais emporter avec toi qu’un seul album, lequel choisirais-tu ?
TLP: Sans hésiter ce serait ‘Bricks In My Pillow’ de Robert Nighthawk. Je n’arrête pas de l’écouter, celui-là. Ou alors…un de Robert Johnson, mais faut que tu m’autorises à en emporter deux. (rire)

FP: Des regrets, Tim?
TLP: Non, aucun. La vie est belle, tu sais, même quand elle est dure avec moi. Mais n’est-ce pas le destin d’un bluesman…?

FP: Ton souhait pour les mois et l’année à venir?

TLP: Plein de concerts,…en France, par exemple!

Frankie Bluesy Pfeiffer
Blues Magazine & Paris-Move

Tim Lothar Petersen sur le Net:

Site officiel :  www.timlothar.com
MySpace page : www.myspace.com/timlothar

Tim Lothar Petersen